Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
2 octobre 2017 1 02 /10 /octobre /2017 10:21

 

 

 

L'impasse du pédagogisme dans l'imagerie transse, qu'elle soit endo ou cisgérée ; le premier écueil est celui selon lequel nous serions un "fait", fixe, immobile, essentialisé et objectivé, toujours déjà là, qu'il n'y aurait qu'à décrire et à expliquer, sans évolution ni question ; le second, qui découle en partie du premier, est de faire croire (ce que font à peu près toutes nos militantes) qu'il n'y aurait qu'un point de vue légitime sur nous-mêmes, et que bien sûr c'est celui qu'elles portent. Alors qu'il y en a d'ores et déjà plusieurs, et que plus il y en aura, je pense, mieux ça vaudra, pour autant que ça vienne de nous. Comme disait camarade Leslie, we're all work in progress, zut !

 

Pour l’objectivation, qui me semble bien, même si elle fait semblant de ne pas, la sœur jumelle et dialectique du raccourci subjectiviste (l’être l’identité sui generis), les « choses », au rang desquelles alors nous nous rangeons par utilité, portent en elles mêmes la signification, la logique, quand ce n’est pas carrément le destin social. Nous en recevons légitimation et sens. Ça se rattache au vieux « réalisme métaphysique », pour lequel nous en sommes que la duplication (ô combien imparfaite toujours à parfaire) d’une idée platonicienne, d’une matrice qui échappe aux basses contingences, évolutions, involutions, incertitudes de ce non moins bas monde. Nous les représentons (coucou, la fameuse obsession de la valeur par la représentativité politique), à nous de le faire à la fois dignement et congrûment, pour ne pas dire docilement. Nous sommes censées tentative permanente de la réalisation de ce que la transse (se) doit (d’) être. Il faut que ça aille dans ce sens, nécessaire, sans quoi chute de la légitimité métaphysique, de l’au-delà de ce fichu et douteux social qui ne serrait être ni tout à fait réel, ni encore moins à son origine, bougre ! Il n’y aurait plus un endroit ni un moment pour poser ses fesses sur un modèle rassurant. Plus rien à copier, l’état des rapports sociaux à assumer comme sujet construit, le reste à inventer, quelle galère ! Soyons donc ce que nous avons toujours du être, réécrivons nous très vite et définitivement, fermons la porte de la spéculation, enfin prêchons, faisons prêcher doctement cette vérité, et qu’elle n’est pas discutable. Dans cette optique, les mots sont primordiaux, parce qu’ils seraient les choses (donc, si vous m’avez bien suivi, ce qui nous donne réalité et raison d’être). D’où un féroce fétichisme pour défendre telle ou telle terminologie, par ailleurs sans guère de réflexions sur son contenu et sa problématique interne, puisqu’elle est alors la réponse supposée à tous nos soucis. Scolastique contemporaine, à chaque mot sa chose, à chaque question sa réponse. Et conséquemment nous ne nous méfions plus d’un cadre entièrement façonné de raison de choses et de réponses univoques et nécessaires. Pourtant, il y aurait de quoi.

 

Donc, heu, si ça fait mal aux dents d’entendre par exemple des cisses bourrées de philie nous réciter, comme cela m’est arrivé encore récemment, comme plusieurs collègues s’en plaignent régulièrement, les néo normes du genre et nous imposer ainsi en pleine présence ce que nous devons tâcher d’être, de manière qui plus est souvent incroyablement caricaturale et schématique, il ne faut pas oublier que nous avons puissamment contribué à la mise en place comme au maintien de cette situation, en croyant pouvoir nous confier nous-mêmes à ce processus objectivant et finalement toujours essentialiste, même quand il se prétend matérialiste, et cela en nous traitant nous même comme des objets fixes de pédagogie. Par ailleurs à la fois inaccessibles dans le principe (puisqu’il paraît qu’on ne change pas dans le sexe social et « qu’on ne devient pas transse », rompez, le raz de marée de transitions ne faisant que traduire selon cette logique le réajustement historique, opportuniste, d’un manque à être) ; mais totalement mises à disposition dans le rapport de connaissance, et donc social, que cela induit. Cherchons l’erreur ! Comme d’hab’, nous avons voulu faire nôtre un fonctionnement qui nous élimine et nous interdit au premier chef ! Et il nous revient immédiatement dans la figure, comme le choléra. Ne nous faisons donc pas nous-mêmes ce que nous ne voulons pas qu’on nous fasse !

 

Le fond même de la tentative de type pédagogique de démontrer la validité, pour ne pas dire l’intérêt a priori de notre existence aux cisses, en fonction d’un mélange de référence aux exigences propres à leur prédominance, et donc d’un appel à un surréel dont nous serions en quelque sorte descendues (coucou le monde des Idées, ou la protohistoire mythique du paradis du genre, au choix…), nous place au croisement de la subalternité, pour ne pas dire pis, et quelquefois carrément du ridicule mi inquiet, mi buté. Si vous ne nous croyez pas prenez ça pour un bobard (mais moralement vous serez condamnables) ; sauf que, tu parles, en termes de rapports de force sociaux ben oui, je pense que même une part notable de celleux qui font mine de nous bienvenir « nous prennent pour un bobard ». C’est apparemment la seule alternative à être prises pour un fléau social, ce qui finalement est déjà plus lucide, et ce qui fait que finalement ce sont des fois nos ennemies déclarées qui nous considèrent le plus… disons posément. Plus ou moins pour ce que nous paraissons être et sommes donc dans ce qui se passe. Et perturbe quand même pas mal leur ordre désiré. Fallait le faire. Nous l’avons fait (avec la collaboration intéressée si j’ose dire des cisses, bien entendu).

 

En fait le seul moment où on est presque sûres de pas être prises pour un bobard, c’est quand quelque chose se met à titiller la personne en face (il n’y a pas encore de modélisation de notre reproduction par l’exemple) et que, hop, elle bascule toute chaude dans notre panier, salut collègue !

 

Je fais en passant un nouveau croche patte à la vieille scie de « l’ignorance ». l’ignorance de quoi ? De quelle vérité révélée qui viendrait nous nimber de raison d’être absolue et dont coulerait à flot la conciliation générale (entre individus (auto)propriétaires et légalement responsables, pasqu’y faut quand même pas pousser, ce rêve aussi est né avec le capitalisme, le « doux commerce » et la « poursuite du bonheur ») ? De quoi serions nous en ignorance ? De nos postions sociales respectives dans la hiérarchie légitimiste ? C’est ce que nous apprenons le plus tôt dans la vie ! À deux ans et avant même, on sait très bien ce que qu’implique être femme ou homme, y compris les développements surstigmatisés, et le reste. La science sociale est infuse sous pression. Nous savons tragiquement bien toutes où nous (en) sommes sur l’organigramme de ce monde, c’est même comme ça que ça tourne si bien, spontanément. C'est déjà dans le savoir, se savoir, comme fonctionnement social avec ses buts, que surgissent les problématiques, et il n’est en rien leur (dis)solution. Sa rencontre, brutale, est aussi sans doute à l’origine des stratégies les plus diverses vis-à-vis de l’état de fait, dont qui sait les transsités.

Nous savons très bien ce que nous faisons, ce que nous incarnons dans le rapport social, et je dirais aussi pourquoi relativement nous le faisons, ou bien ne pouvons l’éviter, et les effets que nous en attendons, qui sont rien moins que gentils ; et s’il nous manque un pourquoi un peu plus systémique, qu’est-ce qui garantit, à part une croyance très située historiquement, qu’un savoir (toujours à gagner et « au-delà ») engendrerait mécaniquement ce singulier monde de « respect », de monades indépendantes et civiles ? Qu’il déterrerait une immanente récompense symétrisante ? Attendre d’un toujours déjà été de secours transcendant, d’une « loi naturelle », la solution et la dissolution des rapports sociaux, c’est un fake religieux et citoyen, et surtout la totale antithèse de comprendre et transformer ceux-ci. Aucune place ne nous a été réservée, non plus qu’à personne, à l’imaginaire « création du monde » ; vain de réclamer ; nous n’aurons que celle que nous parviendrons à déterminer.

 

Nous avons bien évidemment plein à apprendre, plein à comprendre ; d’où nous venons, où nous allons, comment cela nous constitue et nous transforme au long cours, comme au court. Mais ce n’est pas en tant que statues trimballées et identiques, sujets originelles et dualisées, sur lesquelles le « monde » agirait plus ou moins. Plutôt en tant qu’éléments complexes du rapport social en mutation certes limitée – puisque son but logique est de se reproduire – mais indéniable. Sans quoi on ne serait pas là. Bref, enseigner un a priori nous coince étroitement dedans, avec ses conséquences ; et nous l’imposer en hors d’œuvre à nous-mêmes, comme si nous allions en être plus convaincantes, est à la fois risible et désastreux. Sa très superficielle et relative efficacité (dont cependant on ne se plaindra pas comme telle, c'est une grande part de notre survie quotidienne en l'état) ne tient qu'à un consensus poli qui peut basculer, individuellement comme collectivement, d'un instant à l'autre. Une remise en question du social commencerait par éviter de croire à notre propre transfiguration nécessaire dans son ordre. Et à interroger notre concept de « transmission » d’une origine où serait contenue notre pourtant bien problématique légitimité dans un ordre des choses perpétué, d’un monde aux essences et aux places éternelles, de modèles immuables, ou encore d’un passé mythique ; qui mène au fixisme, au conservatisme, enfin à des contradictions de moins en moins vivables entre l’image que nous voudrions insérer sous le vernis jauni (pour faire tradi !) d’une intouchabilité qui n’a jamais protégé personne, et ce que nous sommes et devenons sans cesse dans le réel et le temporel.

 

 

Tout cela mériterait bien sûr d’être traité bien au large ; plus sagace que moi se mette à l’œuvre.

 

Partager cet article
Repost0

La Bestiole

  • : transse et bie juskaux yeux ; vivisecte les économies politiques, premier, second marché ; acétone et antivitamine K - Le placard à Plume, la fem-garoue
  • : Un informel méthodique, exigeant, fidèle, pas plaintif, une sophistique non subjectiviste, où je ne me permets ni ne permets tout, où je me réserve de choisir gens et choses, où je privilégie le plaisir de connaître, c est là mon parti pris, rapport aux tristes cradocités qui peuplent le formel cheap, repaire des facilités, lesquelles en fin de compte coûtent bien plus. Je me vante un peu ? J espère bien. Déjà parce qu ainsi je me donne envie de mieux faire. Hé puis ho ! Z avez vu les fleurs et les couronnes que vous vous jetez, même l air faussement humble ? Faut dépercher ; quelqu'orgueil assumé vaut mieux qu une pleine bourse de roublardise attirante. Je danse avec le morcellement et la sape de l'économie, de la valorisation, de la fierté, de l'empouvoirement.
  • Contact

Mieux vaut un beau champ de bataille qu'un moche terrain de lutte. Banzaï !

Recherche

Dans Les Orties

La Grenaille