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4 novembre 2018 7 04 /11 /novembre /2018 10:32

 

Je vais être rash ; mais je tiens qu’il faut être fichûment présomptueuses, sans préjudice de quelque pathos, ne pas avoir lâché vraiment notre formation référente et universalisante de genre « je dois être partout » pour confondre ce que nous avons reçu et travaillé, recyclé, intellectuellement, des acquis et questionnements des cisféministes de diverses obédiences, avec la croyance que nous serions là comme ça, de manière linéaire, leurs héritières et continuatrices, carrément existentielles, que nous insérerions en remontant dans leurs rangs bénis et espérés, voire que quelque chose comme une nature, cette poire à légitimité, fut-elle historicisée, aurait passé en nous, hop, promues, transfigurées. Intégrées à reculons dans les catégories paléoconfirmées. Ben non, je crois pas, ou en tous cas que c’est plus difficile que ça. Il y a un saut historique, une rupture, une irruption et un relatif certes mais quand même décentrement dans le rapport social, dont nous ne connaissons pas encore vraiment tous les tenants et encore moins les aboutissants ; et c’est trop facile de la jouer anti-essentialiste.1 pour se poser dans une convergence elle-même bien conservante, rassurante et, donc, universalisante ; conséquemment diablement acritique des déterminations d’une part, des objectifs sociaux d’autre part. Anti-essentialiste ne veut pas dire anti-réaliste, sans quoi autant se dire que toutes les gentes sont adelphes et que les rapports sociaux ne sont qu’un malheureux malentendu plaqué sur une ontologie implicite toute en sucre. S’il y a une classe des femmes, ce que je laisse aux discussions qui se livrent là-dessus depuis des années, nous n’en faisons pas à proprement dire partie, en l’état. Nous ne venons pas du même endroit, nous y jouxtons à l’arrivée. Il y a du plus dans le cadre général du rapport social de sexuation, il nous faut l’assumer. Pas nous poser sous l’aile supposée d’une sorte de népotisation qui laisse à désirer.

 

Il y a une méprise récurrente (et bien entendu intéressée, mais comment ne pas l’être ?) à poser des structures sociales qui se déclarent elles même neutres, univ’s, comme l’état de fait et de logique ; à s’imaginer que par la vertu de l’identité nous pouvons les récupérer et les infléchir ;  alors que ces structures contiennent et définissent par leur forme même à qui et à quoi elles s’appliqueront, et pas ; mieux, créent socialement ces catégories. La filiation, et sa raison d’être sociale, est une structure « hétérocisse », je mets des guillemets pour bien exprimer qu’il s’agit là d’une définition fonctionnelle et non pas identiste ; elle appelle et trie tout le monde, selon ses exigences. C’est à la fois une notion d’apparentement et de régulation de l’appropriation, comme son expression al plus connue la famille. On ne lui fait pas changer de caractère ni de but en y mettant des petits stickers trans’ (ou autres). Et elle opère aussi bien dans son fond le plus matériel (la transmission des propriétés, du rapport social aux biens) que dans son aspect idéel (la parenté, le cousinage et leurs joies). Mais voilà, pour en bénéficier conséquemment il faut pouvoir aligner les requis. On voit déjà à quel point son effet est dévalué quand vous êtes pauvres. Et c’est sans doute pareil quand vous êtes illégitimes dans les critères d’évaluation qui lui sont propres. La forme reste mais son contenu est absent, ou fiche le camp, ou se retourne contre vous.

C’est ainsi de notre prétention à la filiation idéologique et à la réclamation de légitimité qui se faufile derrière ; déjà il y a un hic dans le fait qu’elle est généralement rejetée, subjectivement, même assez bêtement et hargneusement, mais c’est un fait acquis que les politesses et autres civilités bienveillantes ne washent pas ; et que le nombre n’y fait pas grand’chose, c’est d’expé historique ; par ailleurs il y en a un autre, sans doute encore plus  gros, qui tient à la mécanique sociale qui est invoquée. Que nous soyons les produits un peu nouveaux du rapport social de sexuation, que les analyses qu’on en a faites puissent (mais là déjà avec de nécessaires développements et retours sur) nous concerner, pareil. Mais que nous nous trouvions dans ce qui se détermine comme le rapport de filiation et ses aspects annexes (héritage, adoption, toussa), sur le plan d’une continuité sociale, est plus tangent. Nous y sommes et nous n’y sommes pas. Il y a pas mal d’a côté dans notre fait. Enfin, pour jouer de ces formes de transmission de matrimoine, matériel comme immatériel, il faut compter et avoir, et come pour bien d’autres cela se réduit pour la plupart à une image ou à une impossibilité, souvent les deux. Enfin, dans quelle mesure ne courons nous pas après l’englobement a priori d’une filiation, qui est censée exonérer de questions disons existentielles (et explose à une époque de dévalorisation sociale et matérielle), pour éviter d’aborder la systémique, ce qui fait que nous sommes là, désormais ? Quèquepart nous voulons être là mais ne pas y être, ne pas coller à notre manifestation, nous rattacher à (ce qui évidemment porte aussi sens et logique) mais pour ne pas interroger ce qui nous est propre dans ce qui s’est passé. Il faudra bien un jour que nous sortions de derrière notre feuille de vigne subjectiviste et ontologique, laquelle ne nous couvre ni ne nous protège, pour nous emparer de la question,et ne plus laisser malmener, biaiser et instrumentaliser celle-ci par d’autres ! Pasque c’est ça une des principales conséquences, jointe à l’état du rapport de force, de notre frilosité réflexive.

 

 

Nous voudrions bien tenir (à) autrui, dans un vieil atavisme, par les baskets ou par les lèvres. Queudch’. Personne ne tient à nous. Nous sommes seules sur le ring, nous-mêmes morcelées, incertaines, in a move, très relatif encore le move, dans son état d’excentrement actuel, mais dans le même temps massif, la vague. Nous sommes nombreuses, de plus en plus, partout. Des millions. Petites pingouines en troupes disparates et frileuses sur la banquise qui craque. Bref, plutôt que d’essayer de nous enter sur l’arbre généalogique là où nous voudrions avec de la glu et du papier, peut-être serait il plus pertinent de tenter de nous définir et organiser comme ensemble de groupes sociaux de nouvelle extraction (hé oui, l’angoisse de légitimité ramène toujours à reproduire les vieilleries généalogiques, et aussi comment on les mettait à contribution). Certes nous venons de quelque chose, dans le rapport social de sexuation, et nous nous situons dedans, mais le quelque chose est encore à déterminer, d’ailleurs cela se fait par notre propre présence. Pour le coup la praxis précède quelque peu la théorie. Nous n’avons pas à être ce qu’on pourrait attendre de nous (à commencer par la majorité qui attende que nous disparaissions) ; nous ne pouvons pas être ce que nous désirerions pour aplanir la question ; ça se situe sur une autre branche.

Même chez des camarades que je reconnais résolument réflexives, je ne cause pas ici de leur comportement transmiso opportuniste intégré, qui rejoint la concurrence qui certes nous est imposée, mais à laquelle nous nous faisons avec une complicité regrettable, il se préserve ou cultive avec souci et entrain une fameuse couche de subjectivisme ainsi que d’une certaine naïveté déproblématisante. Opportuniste certes mais des fois franchement à se tordre, quand on voit affichées certaines « photos » d’une « famille » cisréférente qui n’existe pas en ce qui nous concerne. Ce sur la théorie comme dans la pratique, oserai-je dire. Cela touche aussi les réécritures successives de nous-mêmes posées en toujours déjà là que favorise l’idéologie d’une transsité individuellement nécessaire, immuable, originelle ; bref le fixisme sur lequel nous nous écharpons avec les terfes en chiffonnières de l’existentiel, chacune voulant se l'annexer en bandoulière. La panique légitimitaire nous fait tourner la tête et valser les concepts comme les étiquettes dans un magos en pleine inflation. Nous avons migré dans le rapport social de sexe et nous réclamons, de ce fait sans critique du cadre même, une nouvelle filiation. Après tout pourquoi pas, si cela devait nous servir, et surtout que ça pouvait marcher ; mais ça ne nous sert pas, ou alors à très peu et de manière infiniment conditionnelle, comme toutes les tentatives de naturalisation. Bref ça ne marche pas. Et les cisses sont les premières, là pour le coup avec quelque raison, à en rire dans leur barbe. Si nous sommes héritières, c’est d’un parfait pataquès, celui en général du rapport social de sexuation ; pas d’héritage positif à l’horizon (surtout quand cet horizon se dérobe dans un passé plus ou moins mythifié et récrit, à divers niveaux). L’assigné féminin était déjà le négatif de ce rapport ; et nouzautes un négatif surajouté. Ma foi il nous faut soit accepter, soit, ce qu’on peut aussi essayer de faire, le refuser, mais alors refuser conséquemment, tout le rapport social avec tous ses objectifs (appropriation, relation, légitimité, toussa…) ; je pense même qu’on devrait essayer.

 

Il faut de toute façon arrêter avec la cisreconnaissance, qui ne peut que nous démolir, qui implique la haine et la concurrence entre transses, et dans la plupart des cas pour nib' ; ni héritières, ni adoubées, ni adoptées, ni rien de tout ça. Encore une fois, l’angoisse de la légitimité bloque gravement les possibilités d’évolution, de mise en question et de problématisation. Nous passons notre temps à tenter de nous rattacher à, et de nous rattacher à des qui n’en veulent pas une minute,et qui ont leurs raisons pour ça, ou à des fonctionnalités qui ont déjà amplement démontré ce qu'elles entraînent. La structure même de la pensée légitimiste est in fine universaliste et masculine, et englue à peu près tout le monde en période de crise et donc de panique. Nous avons des aspirations, mais ne sommes aspirées par personne ; et finalement tant mieux, cela devrait précisément nous inciter à examiner ces aspirations.

 

De fait, nous ne sommes et n'avons à être, en termes de fonctionnalité sociale actuelle et visant à se perpétuer, qui est la raison active de la sexuation, et se cache derrière la requête d’intégration identiste, ni femmes®, ni lesbiennes®, pas plus queer®, encore moins (!) lgteubées tout aussi® ou autres attelages statutaires du même modèle, mais tout bonnement, et c’est une sacrée affaire en elle-même, transses (désormais également assez® même si les modalités en évoluent rapidement). Nous nous trouvons dans une problématique sociale qui nous est largement propre. Assumons que nous portons de nouvelles positions dans ce qui est (encore mais qui sait pas forcément pour toujours ni plus entièrement, hin hin !) le rapport de sexuation. Pour ma part, vu où nous en sommes matériellement, la plupart, je me demande si nous ne devrions pas tabler plutôt en ce moment sur une approche restrictive, inéclectique de ce qu’on pourra appeler provisoirement le fait transse, une approche sous enchérissante, moins disante, moins empiétante, qui ne table pas sur une extension de valeur par un jeu multidentiste, tquinb par exemple, lequel dans les circonstances actuelles présente des risques de nous mener là où lgtblande nous a laissées. C'est-à-dire d’une part dans une invisibilisation des rapports sociaux par des visées d’intégration politiques et statutaires qui laissent de toute façon l’essentiel d’entre nous sur le pavé, d’autre part peut-être aussi dans une dilution par déproblématisation affirmative de ce que transse pouvait, ou aurait pu remettre en cause dans le processus de sexuation et ce à quoi il sert socialement. Donc absolument pas d’un point de vue identiste ni conservateur, mais au contraire pour relancer une problématisation et des dynamiques transses de sortie de l’état de fait. Et qui réserve des possibilités de discute et d’articulation précisément en coupant court aux tentations de s’étaler, qui finissent toujours par les (situations les) plus fortes à la place des plus faibles.

 

Chercher à emboîter les unes dans les autres, et toujours dans le même ordre, dans un « appel de la forêt » de redévalaison vers une immanence individualisée et ronéotypée (l’une implique l’autre), les identités et les reconnaissances qui servent à idéaliser et ontologiser la fonction sociale, c’est admettre a priori leur hiérarchie, et se réduire à une convergence concurrentielle dirigée vers une tentative d’intégration dans la fonction référente la plus conservatrice, qui n’en est pas moins par ailleurs subordonnée et opprimée, mais cependant, de gré ou de force, contribue au maintien de cet ordre. Ce dans le cadre de la panique de légitimité, légitimité dont les conditions nous reviennent à peu près toutes dans la gueule. En somme, chercher à s’insérer dans la reproduction du rapport social ne va vraiment pas avec notre position excroissante et bancale, insuffisante et en négatif sur le fond sexualisant. Bref, séparation versus inclusion et gentrification plus ou moins croisées et de toute façon inégales. Ce qui est censé nous « rassembler », assignation dans un process de produc’ sociale et de légitimation en fonction d’icelle, économie politique, relationnelle, identiste, représentative, est en réalité précisément ce qui nous isole, oppose et met en concurrence. Voie sans issue ! Par ailleurs, aucune instance, aucun toujours déjà là ne garantit ni même ne traduit nettement aujourd’hui ce que nous manifestons ; mais il n’est pas impertinent de supposer que nous pouvons participer des (premiers ? à voir) pas d’une sortie de tout cela. 

 

# assumer la négativité ; de toute façon elle, elle ne nous lâchera jamais.

 

 

PS :

C’est amusant, si on veut ; j’ourdissais cet article depuis quelques temps, et je venais de le poster quand je suis tombée sur un autre très récent de Questions Transféministes, avec qui nous nous trouvons là perpendiculairement opposées. Bam ! J'assume le refus de priorité. Je trouve simpliste, illusoire, un peu pathétique et quelque part malvenue, dans l'état des choses, la promotion engouée qui monte ces derniers temps d’une supposée familiarité transversale meuf’, motivée par une tout aussi supposée classe univ' et inclusive des femmes, qui pose question depuis longtemps, et de laquelle de toute façon nous ne participons fonctionnellement pas. Comme j’ai depuis longtemps trouvé plus que problématique la fiction d’un « continuum d'intérêts trans’ » à travers le genre, faussement égalisateur et tout aussi illusoire. Y a qu'à voir qui porte l'illégitimité sur sa gueule, qui est agressée dans la rue et pourquoi comment. Nous ne dépassons actuellement par aucun côté et de nulle part, en interne comme en externe, l’état général du rapport social de sexuation, ni ses conséquences, ni ses buts. Par conséquent il nous faut, je pense, nous tenir systémiquement à des non-mixités de méthode, d’approche, d’histoire, d’expé et de déterminations successives. Pas des non mixités, non plus que des mixités optionnelles, de fétichisme familial, de reproduction sociétale et de regroupement supposé rassurant. D’autant que de notre point de vue, la défense d’une « non-mixité meuf’ », d’une part ressort de la course panique au rattachement légitimiste ; d’autre part nous pose en annexe amovible à volonté de cisselande, selon les bénévolences et intérêts du moment. Déjà le hic est méthodologique, encore une fois qu'est-ce qu'on attend, espère d'une telle analogie, d'un tel ralliement, là encore en l'état des fonctionnalités ? Il faudrait analyser ça. Et puis, il y a des retours je trouve de vieille logique politicarde d'alliance, voire de territoire, de tentative de partager un pouvoir du coup avalisé, qui a toujours accompagné l'essentialisation du social. Je pense que cette fausse échappatoire a été fort bienvenue par des cisses qui n’ont pas eu de mal à trouver la tirette de notre angoisse de légitimation.

Mais voilà, si nous sommes fondées j'estime à mener une critique d'une transversalité trans' qui soi disant désamorcerait le "mauvais côté" (lol!) de la dynamique sexuée, il va pour moi de soi qu'il n'y absolument aucune perspective dans la récupération de cette même dynamique prétendument à notre profit, par inclusion dans une catégorie subjective femme qui est une fonction spécifiquement cisse !

Cette nouvelle tentative d'aller se faire confirmer et de penser se réfugier (!!!) à ce qui est systémiquement cisselande, pourtant historiquement ratée depuis longtemps, confirme tristement ce que je suppose depuis quelques temps : nous sommes au fond de la panique de genre et de légitimisme que nous prétendons énoncer, dénoncer, pour nous y faire une situation, plus que critiquer. C’était sans doute inévitable dans le contexte, mais tout de même nous pouvions faire un peu moins pire. Nous avons décidé de surenchérir, sur un plan où nous sommes perdantes d’avance, faudra pas pleurer après les dégâts.

Je commence à me demander si y commence pas à y avoir un gros souci avec ce qui est en train de se coaguler, là encore sous la pression et dans la panique concurrentielle, sous le vocable déjà usé de "transféminisme", et plus particulièrement de la version "meufiste". Que ça soit en train de devenir juste, par des biais idéologiques autant qu'identistes, une instance systémiquement ciscentrée, rattachiste. Doublée d'une véritable bousculade irrédentiste et territorialiste de genre ; ce serait complet ! Va falloir y piocher et en causer.

 

# non-mixités (au pluriel) transses ! Et pour un travail critique systémique (je souligne, pas rester avec lui sur un plan subjectif) sur la thèse d'un eldorado meuflandien pseudhorizontal, familial et existentiel. Pour la énième fois la question n'est pas morale ; il faut arriver à comprendre pourquoi il se présente maintenant, d'où il vient, à quoi il essaye de servir et pourquoi ça marche pas (même si on sait depuis longtemps que ça marche pas). C'est une nouvelle Question de format. Les formes auxquelles nous nous confions si facilement déterminent un contenu et des conséquences.

 

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La Bestiole

  • : transse et bie juskaux yeux ; vivisecte les économies politiques, premier, second marché ; acétone et antivitamine K - Le placard à Plume, la fem-garoue
  • : Un informel méthodique, exigeant, fidèle, pas plaintif, une sophistique non subjectiviste, où je ne me permets ni ne permets tout, où je me réserve de choisir gens et choses, où je privilégie le plaisir de connaître, c est là mon parti pris, rapport aux tristes cradocités qui peuplent le formel cheap, repaire des facilités, lesquelles en fin de compte coûtent bien plus. Je me vante un peu ? J espère bien. Déjà parce qu ainsi je me donne envie de mieux faire. Hé puis ho ! Z avez vu les fleurs et les couronnes que vous vous jetez, même l air faussement humble ? Faut dépercher ; quelqu'orgueil assumé vaut mieux qu une pleine bourse de roublardise attirante. Je danse avec le morcellement et la sape de l'économie, de la valorisation, de la fierté, de l'empouvoirement.
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