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15 juillet 2013 1 15 /07 /juillet /2013 08:31

 

Ce n’est pas d’aujourd’hui, mais ça prend, comme qui dirait, de l’ampleur. De plus en plus fréquemment, dans le monde merveilleux de l’identification forcenée où nous nous réveillons un peu plus enfoncées chaque matin, quand une personne bio se cherche, se trouve, se découvre un truc quelconque, un bouton, un fantasme, une casquette qui lui a poussé sur la tête, un k qui est venu relever son pseudo, une idée qui lui semble un peu trouble, irisée, arquencielesque, comme du gazole dans une flaque, hop, tombe en deux minutes et demi dans son esprit émerveillé the question, la seule l’unique : « ne serais-je pas un peu trans ? »

Beh oui, il faut bien dire que parmi nos utilisations sociales, il y a, depuis que la valorisation passe par identité, diversité, subversion et désir, celle qui fait de nous un domaine-réservoir pour les fantasmes les plus éculés comme les plus in, les seconds étant une remasterisation des premiers. Dès que quelque chose paraît un tantinet bizarre ou tordu, jaillit, sur les fora par exemple, ou à pédégouinelande, la question fuse : « pensez vous pas que je suis un peu.. » ; quand ce n’est pas une affirmation qu’on nous impose. En plus on vient nous le demander – en fait, exiger notre certification.

 

Ah ça, si y a une seule chose que nous n’avons pas raté, c’est d’attirer l’attention, les projections douteuses. Désormais, la moindre fantaisie, surtout sexuelle (pasque nous sommes, n’oublions pas, hypersexuelles, eh ouais, là encore l’hypocrisie bio sur l’identité de genre ne tient guère, nous n’existons que comme perverses, sujets et objets sexuels) est rapportée à une possible, probable, espérée transitude partielle (toujours partielle, on verra ça plus loin). C’est incroyable l’exutoire que nous avons offert aux gentes, aux vraies gentes qui veulent s’en rajouter un peu. Si on n’existait pas il faudrait nous inventer. Nous sommes le lubrifiant de la machine désirante et jouissante que constitue la famille subversive et méta-consommatrice élargie, avertie.

 

Á décharge, ou plutôt à charge de toute une chacune, il faut considérer que nous-mêmes avons cru que bien des perspectives allaient sortir de ça ; qu’il fallait, que c’était là et pas ailleurs que les histoires personnelle et collective devaient se rencontrer ; nous avons finalement un peu beaucoup transitionné à la lemming, le nez dans le cul de la précédence, en espérant mais sans trop regarder précis, entre volonté de rompre quelque chose et sentiment de nécessité que nous nous gardions d’interroger. Nous avons promu le genre notre nouvelle frontière. Sans parler, hélas, souvent, de la résurrection de l’âme (celle qui est dans le mauvais corps – ce plénonasme idéaliste) – âme affligée d’un sexe, désormais, elle aussi.

Mais voilà, eh ben non, t’, c’est comme tout le reste, c’est un blend modérément modifié des mêmes essences. Des mêmes éléments dichotomes. On finit par s’en rendre compte. Autant nous avons été sincères autrefois sur nos volontés, autant nous sommes maintenant d’une silencieuse roublardise sur des échecs qui ne sont pas que nôtres : comment ne pas encore chuter en bourse, après cette culbute ? Chut ! Nan, franchement, trans, c’est une nouvelle bulle spéculative existentielle, gonflée concurremment par la com’reality tragique et grandiloquente de straightlande et la pensée politique que manipuler intensément le rubik’s cube des éléments sexués va faire apparaître vraiment du nouveau. Ce n’est rien de tout ça, ou plutôt ça ne l’est que pour ce que c’est, pas mal de vide – et ça aurait pu être autre chose, voire ça le peut encore, mais alors il nous va falloir changer d’approche.

 

Mais vous n’êtes tout de même pas aussi c…es que nous ? Eh ben si, faut croire, puisque c’est tout aussi lemminguement que vous faites la queue devant t’lande pour en obtenir des certificats de citoyennes d’honneur.

Á moins que vous ne soyez aussi roublardes ? Parce que derrière la facilité d’aller t’ifier dès que s’érige une excroissance quelconque, il y a évidemment le pourquoi social ; mais là, c’est pas la même chose pour les f-t’s et pour les bio. Pour les f-t’s, c’est billet direct pour l’isolement et la transploitation ; pour les bio, c’est prise de valeur et séduction.

Par ailleurs, et là aussi nous en avons fait le lit, si j’ose dire, par espoir comme par naïveté, la catégorie « trans », sans préfixe, supposée, on se demande finalement bien pourquoi quand on nous voit, quand on se voit, transcender quelque part la binarité – eh bien cette catégorisation est bien pratique, afin de gommer les aspects les plus, comment dire, râpeux, brutaux, tranchants, de la sexualisation. Ben non, là encore, restent agglutinées les formes assignées f et m. Non, il n’y a pas de t’s génériques, il n’y a pas d’échappée au carcan genré – ou s’il y en a, c’est très peu et je pense suffisamment discrètes. De ce point de vue, c’est aussi un ratage, nous n’avons rien dépassé. Nous sommes mêmes souvent à la traîne.

Nous, on le prend en pleine poire, on s’en racornit sur nous-mêmes ; les bio, plutôt, essaient de s’y étendre un peu au-delà de la ligne, juste un peu.

 

Tout est dans le un peu, qui leur est propre.

 

Hé oui, devenir trans, résolument, totalement, ben comment dire, ce serait quand même beaucoup demander, et dans le sens vers f perdre tout de même plein de friandises sociales, de safety. Alors on se demande, et on demande, si on est pas un peu, mais alors juste un peu, ce qu’il faut, ce qui est permis, avec l’espoir palpitant de se voir répondre mais oui ma poule. Par contre, si on se voit répondre que les histoire t’s sont déjà assez moches et chiantes pour ne pas se trimballer les envies élargies de pécho des bio, puisque à ça se résument souvent leur un peu de transitude, là, je vous dis pas les pelletées de m… qui reviennent. C’est qu’on n’est pas charitables, nouzautes.

 

Hé ben non, ça aussi je l’avais dit, et je le redis encore plus net, on n’est pas et on n’a pas à être charitables avec les bio qui nous parasitent, nous transploitent, nous violent et pour finir nous massacrent quand on a servi, ou qu’on veut plus servir. Les un peu t’s, qui aimeraient bien les avantages qu’elle supposent bien stupidement à notre situation, et qu’on soit pas là, sont parmi les pires crapules transploiteuses et abuseuses, les qui nous font crever. Définitivement, on n’est pas un peu t’. On l’est ou on l’est pas. Et ce n’est même pas une question d’être, c’est une question de fait.

C’est comme pour les choses et les faits, elles sont vraies ou fausses, pas un peu ci ou vaguement ça. Et tout ça ne dépend pas de nos ressentis ni de quelque ontologie que ce soit ; phénoménon, point. Ce que tu te prends dans la gueule, comment on te traite, ce dont tu profites, ce qui te revient et pas ; et tout le temps, pas juste celui des soirées playparties. Repoint. C’est de ça que résulte que tu es, de facto, t’ ou pas, et pas tes fantasmes cisgenre et transphiles. Et ce n’est pas une identité – ou plutôt, les identités, c’est un miroir aux alouettes. Quant aux faits, je ne crois pas qu’ils existent en fonction de notre perception et de notre senti, pour ne pas dire de notre désir ; ils sont là, ils s’imposent, rerepoint. Ils sont pauvres, souvent, secs, fibreux, sans jus. Et dire des faits qui ne se passent pas, comme ne pas dire des faits qui se passent, est un mensonge. Voilà. Enfin, un monde où les faits ne sont autorisés à exister qu’en fonction de leur évaluation statutaire, bref un monde d’échange où non seulement on nourrit le pouvoir, mais encore son marché, est un monde où tout nous échappe et nous revient sur la gueule, lesté de la violence sociale que nous lui avons attaché bénévolement. Poum. Bien fait.

 

Bref vous n’êtes pas un peu t’s, vous êtes remarquablement bio, voilà tout. Rien de dramatique, au reste, lâchez nous juste la signifiance ; je suis plus agacée que furieuse. Au reste, la plupart des mes congènères voudraient bien, in fine, être complètement bio, je veux dire en reconnaissance, statut, abstraction réelle – et elles seront aussi bio que vous êtes t’s. Nous sommes à peu près toutes coincées dans des envies identiques, plus ou moins désespérées, de reproduction des formes de genre sans lesquelles nous craignons de ne pas pouvoir vivre – très à tort selon moi. Á ceci près, évidemment, que le rapport de force n’y est pas égal. Mais l’impasse est la même : vouloir être. Un peu comme tout à fait.

 

 

 

PS : à propos d’être, de n’être pas, de subir sans accepter, sans positiver, sans en faire un destin ni se croire par essence la nouveauté sociale, je viens de lire un bouquin d’Arendt que je ne connaissais pas encore, « La tradition cachée, les juifs comme parias ». Je crois que nous aurions beaucoup à apprendre de cette expérience. Et je vous lance sur sa biographie, à peu près introuvable (Presse Pocket) d’une nana tout à fait oubliée qui fut une des proto-féministes du début de la modernité, Rahel Varnhagen. Je l’ai pas lue, justement, je l’ai pas, mais pour celles qui y trouveraient sur un marché ou dans une bouquinerie, je crois que ça vaut le détour.

 

 


 

 

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  • : transse et bie juskaux yeux ; vivisecte les économies politiques, premier, second marché ; acétone et antivitamine K - Le placard à Plume, la fem-garoue
  • : Un informel méthodique, exigeant, fidèle, pas plaintif, une sophistique non subjectiviste, où je ne me permets ni ne permets tout, où je me réserve de choisir gens et choses, où je privilégie le plaisir de connaître, c est là mon parti pris, rapport aux tristes cradocités qui peuplent le formel cheap, repaire des facilités, lesquelles en fin de compte coûtent bien plus. Je me vante un peu ? J espère bien. Déjà parce qu ainsi je me donne envie de mieux faire. Hé puis ho ! Z avez vu les fleurs et les couronnes que vous vous jetez, même l air faussement humble ? Faut dépercher ; quelqu'orgueil assumé vaut mieux qu une pleine bourse de roublardise attirante. Je danse avec le morcellement et la sape de l'économie, de la valorisation, de la fierté, de l'empouvoirement.
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Mieux vaut un beau champ de bataille qu'un moche terrain de lutte. Banzaï !

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