Nous n’en sommes plus à cela près, n’est-ce pas ? V’n’allez pas hurler si la négative murène vous fait la pub… d’une vidéo faite par des attacites, sur des personnes d’hailleurs (gare à l’exotisation, que faisons nous de nos fesses ?), et dont elle a trouvé la recension chez les braves léninistes de Bellaciao ? Et puis même, elle a ses boules quiès.
http://bellaciao.org/fr/spip.php?article126208
C’est un docu sur la mobilisation de nanas contre le micro-crédit. Vous savez, cet arrosage miniature et bienfaisant de l’économie sur les plus pauvres et les déjà superfluEs, afin de les aider à s’auto-exploiter et de les introduire dans le monde merveilleux de la dette, des fois que la valorisation pourrait en tirer quelques bribes. Pas des fois, même, elle les en tire, ces bribes et ces tripes ; ce n’est pas vraiment qu’un tour de phrase que de dire que la richesse se récolte d’abord chez les pauvres. Tenez, hé, où sont, et par qui, triés, valorisés, les déchets empoisonnés des équipements qui nous permettent une vie si épanouie et branchée ? Mais sur des décharges géantes en Afrique, par les habitantEs des bidonvilles voisins, qui en survivent vaguement avant d’en crever rapidement. Et tourne le recyclage et le durable. La fameuse « Île aux fleurs », où l’on nous montre de joyeuXses drilles escaladant une montagne de légumes pourris imprégnés de pesticides, semble effectivement un relatif eden, devant ces amoncellements géants de métaux à la fois précieux et mortels (mais les métaux précieux ont toujours été mortels, d’une manière ou d’une autre, c’est le secret de la valeur et de l’économie). Sûre qu’on va leur flanquer des micro-crédits pour qu’ellils meurent un peu plus rentables.
Enfin bref, on parle donc là encore d’une arnaque, et cette arnaque est un module de la grande arnaque de l’enrichissement et du développement… de la misère, des besoins, de la concurrence et de la dépendance. Et ce sont des nanas qui cassent le morceau, renversent la micro-marmite et refusent le néo-asservissement. Ce n’est pas nécessairement un hasard. Les femmes se trouvent, si l’on en croit l’interprétation selon laquelle valeur et production reconnues sont domaine masculin, dans une situation paradoxale : elles doivent à la fois incarner l’autre, vous savez, le continent sombre, le gratuit, le bénévole, le corvéable à merci, et en même temps la logique économique qui s’assèche ne peut plus se permettre de laisser qui que ce soit hors du grand pressoir. Du coup les femmes subiront les deux, l’exploitation gratuite et l’exploitation payante. Ce n’est d’ailleurs pas nouveau comme constat. Ce qui l’est, peut-être un peu plus, c’est de refuser la logique d’intégration dans la machine. De dire qu’on n’a rien à gagner à y entrer, fut-ce paritairement, mais plutôt à la fuir et à la démonter.
Enfin voilà, si cela vous dit…
On est quelques unes, encore bien rares, à causer de féminisme réellement anti-sexe et anti-relation (http://pink.reveries.info/post/2012/03/10/Anti-sexe) – c'est-à-dire critique de ces formes de réalisation sociale et existentielle ; on commence aussi à causer de féminisme anti-économie, anti-travail et anti-intégration à ce monde (sans pour autant tomber dans l’escarcelle essentialiste). Et pas de ce ressentiment tronqué qui s’imagine que l’anticapitalisme et l’antipatriarcat se résument à l’extermination soft de quelques spéculateurs et putes, afin de mériter le ticket d’entrée au douteux paradis de la distribution et du guichet égalitaire, avec un toujours papa état superficiellement démasculiné, relooké, autogéré et forcément bienveillant !
Ce n’est pas anodin : « je t’aimeuh » et « je travaille, moi », sont les deux centres de production de la dépossession, les représentations pilières de ce que nous nous devons d’être, les deux faces de la monnaie de singe du présent, avec laquelle nous nous achetons nous-mêmes nos vies. Tout est subordonné à l'une ou l'autre de ces baudruches cannibales.
Anti-sexe et anti-travail, la démolition des valeurs-relation et –économie, ont partie liée. La petite murène espère que les deux désertions iront de pair, pour en finir avec ce monde avant qu’il en finisse avec nous ! Si toutefois il n’est pas déjà trop tard.