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19 mai 2014 1 19 /05 /mai /2014 09:36

 

 

 

L’an dernier, dans « Applaudissons-nous, hétérolande a gagné », je m’avançais à prédir que l’hameçon de l’intégration participative, forcément réservée à d’aucunes vis-à-vis d’autres, aux joies et bénéfices supposés d’hétérolande, ainsi que de ce qui va avec : propriété familiale, filiation, héritage, défense de ces belles choses et j’en passe et des plus vieilles de la société capitaliste et bourgeoises, tracerait entre, au milieu de nous, les transpédégouines et compagnie, une nouvelle ligne de barricades, derrière lesquelles les unes défendraient, avec toutes les forces de l’ordre, la stabilité économique et sociale contre les loquedues, pas rentables et autres révolotes.

 

Il y a peu, dans une de ces batailles de polochons, pardon, de commentaires comme nos sites d’infos communautaires en hébergent pour notre plus grand divertissement et esbaudissement, notre édification quoi, je défendais assez mordica l’action menée par des qui furent mes camarades sur une secrétaire d’état particulièrement retorse. Que je ne fusse plus sur leur ligne politique d’intégration nataliste, économiste et civique ne m’empêchait en rien de prendre leur parti, d’autant que c’était un peu la furie contre elles de la part de ce que j’en viens à appeler straightlande lgtb’. Pensez donc, ayant balancé quelques ingrédients sur la membre du gouvernement, elles avaient été d’une violence épouvantable. C’était l’avant dernier échelon avant le meurtre politique, à en lire pas mal. Á coté de cela, les assassinats et la chasse à nozigues ne pouvaient en rien tenir comparaison (d’ailleurs, il y avait même une ligne négationniste qui affirmait sans ambages que nous vivons pour le mieux et que nous nous victimisons).

 

Au cours de cette discussion, une personne décocha une phrase où elle signifiait que « si vouloir militer sans violence et dans le respect de toutes les personnes c’était être réactionnaire, eh bien elle l’était ». Sec. Je ne la notai pas immédiatement, puis brusquement sa matrice historique me revint en mémoire, et me fit dresser les cheveux sur la tête. Il me rappela ce à quoi les citoyennes sont tout à fait capables d’adhérer, de participer, pour que rien ne change, pour que rien ne soit remis en question – au risque même de leurs propres intérêts, puisque tout est en démocratie capitaliste question d’intérêt, de bénéfice ou de perte. Jusques à notre propre peau, qui selon l’expression largement usitée nous appartient, comme n’importe quel autre bien ou marchandise – tout est réduit au rapport de propriété. Il va de soi que nous préférons, en bonne charité bien ordonnée, que ce soit la peau de l’autre, de celle qui vaut moins, de la transse, de la pute à pas cher, de l’étrangère… Mais enfin des fois il faut paraît-il se sacrifier, avec plus ou moins d’enthousiasme, pour que l’ordre règne et que nulle n’empiète sur l’héritage d’autrui.

 

Le premier modèle en question, en tous cas dans l’histoire et la logique politique contemporaines, c’est le tristement célèbre dernier discours de Calvo Sotelo père à la tribune des Cortes de Madrid, le 13 juillet 1936, lors duquel il dit sans ambages ni complexes que « si vouloir que s’arrêtent les atteintes à la propriété et à la paix publique, si vouloir un état fort pour tous, c’est être fasciste, alors je déclare que je suis fasciste ». Hop. Quelques jours plus tard c’était le soulèvement militaire. Et la tonalité des discours suivants, de ce côté là de la barricade qui devint vite un front avec des tranchées, c’était « Viva la muerte ». Calvo Sotelo avait été, il est vrai, assassiné. Il n’avait pas été le seul et ça crépitait ferme de feux de pelotons, ça creusait sec des charniers, particulièrement là où ses petits copains arrivaient, et libéraient l’Espagne de la violence des rouges. Beaucoup de gentes fuyaient pour ne pas être libérées, surtout parmi les plus pauvres, mais c’est là comme disent d’aucuns un détail.

 

Je veux dire, comme ce que j’exprimais dans cet échange de commentaires, que d’une part ça y est, si ça avait besoin d’être démontré, la partie haute de lgtblande affirme sans complexes excessifs qu’elle est tout à fait disposée à se ranger aux côtés d’hétérolande, de la république, des réaques, contre la partie basse, les emmerdeuses, les gouines, les transses, les putes, les pas bien céfran, les parasites, les misère du monde…. Et que d’autre part, elle ne rechigne donc plus du tout à s’approprier la thèse de la « tyrannie des minorités », qui pourtant est aussi en train et plus qu’en train d’être réchauffée, de la droite dure à la « gauche » nationaliste et naturaliste (méluche, anti-indus…), à son usage. Précisément que les cisses lesbiennes et gays bien clean seront selon toute vraisemblance pas loin après la première fournée sur le tapis roulant. Mais leur confiance est égale à celle de cet ingénieur avec qui Imre Kertesz fit le voyage de Budapest à Auschwitz, et qui répétait avec assurance, et sans doute pas mal de mépris envers ses co-raflés, que « lui, ne risquait rien ; « on », ce fameux « on » envers lesquels tous les gentes qui se croient justifiés d’exister, certifiés par la domination, manifestent une confiance pourtant facilement déçue ; « on » donc avait « besoin de lui », pour l’industrie de guerre.

 

Arrivés sur la terrible rampe de débarquement, où avait lieu la sélection, l’ingénieur indispensable se vit poussé du côté de ceux qui, personne n’en pouvait douter, allaient partir vers les chambres à gaz. Kertesz décrit sa dernière vision de son visage, complètement ahuri, décontenancé, indigné. La logique d’élimination n’était pas celle dont il pensait qu’elle le favoriserait. Ben zut alors ! De même, nos camarades cisses propres sur elleux, je pense, se font de braves illusions sur celle qui sous tend la révolution réactionnaire en marche et ce qu’elles, ils peuvent en attendre.

 

C’est exactement ce visage qu’elles, ils, arboreront, les cis-lg (et sans doute diverses transses intégrationnistes) partisanes de la paix sociale et de la tranquillité républicaine (pour les secrétaires d’état en tous cas ; les transses et les putes assassinées dans les coins sombres où elles sont poussées, entre autres, par la politique des premières, relèvent indiscutablement d’une autre juridiction), quand le meurtre social autogéré les frappera de plein fouet, et alors qu’il, elles seront bien certaines de s’être acquises la reconnaissance de la majorité hétérote en collaborant à notre disparition.

 

Ce n’est pas celui qu’elles, ils arboreront en cas de barricades. Là ce sera celui de la haine majoritaire pure, évidemment conscientisée comme défense de l’ordre profitable à « tous » (un tous très sélectif) – mais là encore, en attendant l’acte deux, déjà évoqué. L’histoire apprend que jouer les supplétifs est rarement profitable. Et, dans cette occasion comme dans celles qui viennent, ç’auront été les supplétifs de la haine populiste et réactionnaire, tout autant que de l’ordre républicain de protection de la propriété et de la richesse accumulée.

 

Le pire (je ne pense pas que ce serait mieux s’il s’agissait de méchanceté voulue pour telle) c’est que toute cette involution régressive, impitoyable, féroce, relève principalement d’une inépuisable bonne volonté, indexée sur la croyance dans la naturalité mais aussi la fatalité des formes de la société individualiste, marchande et représentative, qui du coup ne permet pas de résister à la montée de ses conditions inévitables de haine et d’exclusion – mais toujours alors pour de bonnes raisons. Et l’histoire montre à quel point nous sommes bon public pour les raisons qui se présentent alors à la file. Comme j’ai dit plus haut il y a bien sûr la défense d’intérêts sociaux, réels ou des fois même fictifs, crus ; mais là aussi cela relève plus de l’adhésion à « c’est et ce doit être comme ça » qu’à une conscience de classe nette et froide, qu’il serait des fois un peu angoissant d’assumer. Au début tout au moins. Parce qu’avec la montée de la confrontation et de la brutalité sociales, on se chauffe, et on se décomplexe. C’est moi ou toi – a ben alors ce sera toi…

 

Enfin, ce qui m’apparaît dans tous ça, c’est notre capacité de reproduction, notamment des formes sociales et politiques. Et notre capacité d’oubli de ce qu’elles donnent. Enfin la capacité de déni de ce qui se passe en ce moment même. Et au final, là aussi je me répète, la culture des identités n’implique pas des positions politiques on va dire, pas réaques. Il n’y a pas d’unité politique lgtbienne ni tépégélandienne. Confiance zéro, dans la droite ligne d’une société d’individuation attributive, de droits, de propriété, de guerre de toutes contre toutes comme présupposition anthropologique.

 

Je crains que nous ne nous trouvions beaucoup plus loin que nous ne le pensons sur la voie et le clivage qui nous mènent à des choses pas belles du tout. Que l’eau est beaucoup plus chaude que ne le pense le homard. Et qu’elle va chauffer encore plus très vite. Et que nos zamies républicaines, entre autres, sont beaucoup plus proches de consentir, sinon même de participer, à une barbarie de « retours aux fondamentaux » et de « défense de l’ordre public » - concurremment avec des qui ne sont, ou ne se croient, pas républicaines du tout. La terreur blanche est devenue, depuis assez longtemps, bleu blanc rouge. Elle pourra prendre toutes les couleurs de l’arc en ciel au besoin.

 

Je ne crois pas à l’éducationnisme, ni à une nécessaire fraternité des intérêts qui devraient nous rassembler, surtout dans un monde où ces intérêts sont totalitaires : échange, valeur, appropriation. Où ce sont eux, c'est-à-dire nos possessions, les choses, nous-mêmes comme agglomérats de propriétés, qui nous délimitent, justifient ou non notre existence ; ainsi que toutes les violences juridiques et sociales, jamais perçues comme telles. Je ne sais pas en détail comment tout cela va tourner mais je dis que ça tourne déjà mal, et que l’essentiel de mes contemporaines, y compris donc lgtb’lande, me font peur. Et pour moi, et pour elles mêmes (mais ça, je crois, ce sera leur affaire et je ne serai même plus là, grâce à leur diligence citoyenne, pour avoir ni émettre un avis).

 


 

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  • : transse et bie juskaux yeux ; vivisecte les économies politiques, premier, second marché ; acétone et antivitamine K - Le placard à Plume, la fem-garoue
  • : Un informel méthodique, exigeant, fidèle, pas plaintif, une sophistique non subjectiviste, où je ne me permets ni ne permets tout, où je me réserve de choisir gens et choses, où je privilégie le plaisir de connaître, c est là mon parti pris, rapport aux tristes cradocités qui peuplent le formel cheap, repaire des facilités, lesquelles en fin de compte coûtent bien plus. Je me vante un peu ? J espère bien. Déjà parce qu ainsi je me donne envie de mieux faire. Hé puis ho ! Z avez vu les fleurs et les couronnes que vous vous jetez, même l air faussement humble ? Faut dépercher ; quelqu'orgueil assumé vaut mieux qu une pleine bourse de roublardise attirante. Je danse avec le morcellement et la sape de l'économie, de la valorisation, de la fierté, de l'empouvoirement.
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