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7 février 2018 3 07 /02 /février /2018 13:35

 

 

La rhétorique courante chez nous de « piégées dans un corps de » est quand même surtout significative de ce que recouvre cette notion de « corps ». Déjà, en fait, on en change quand même assez peu, c’est une impropriété, ce sont comme on dit des caractères secondaires qui sont modifiés, la carcasse reste globalement la même. Mais voilà, le sens social, la destination octroyée à corps se niche précisément dans ces « caractères », et encore plus précisément dans ce à quoi ils servent socialement : une certaine ordonnation, un ensemble d’assignations dans le jeu relationnel, dans le rapport de sexuation. Le « corps », supposé évidence immédiate, est en fait un assemblage de signifiants très triés et hiérarchisés dédiés à des fonctions enjointes, normées, aussi contradictoires que les buts et les moyens dudit social. Bref, la sexuation et son économie relationnelle comme « fondement ».

Mais c’est bien ce que, exactement d’ailleurs comme les cisses, nous répugnons à admettre : que le piège en question, dans lequel nous nous sentons si mal, et à raison, c’est l’assignation sexuée, ses implications et conséquences. À quoi elle sert, et que ce à quoi n’a qu’une évidence reproduite à cours forcé, dans l’angoisse et la violence. Que nous l’avons prise dans la figure, mal, pour moult raisons. Mais nous ne sommes, et je le dis humblement, pas en mesure là, comme ça, de tout bouleverser, de toute remettre en question, et c’est vrai, nous sommes sujettes d’un monde donné et ne pouvons en faire jaillir un autre magiquement d’un claquement de doigts. Donc nous nous rangeons à l’injonction générale et intériorisée, tel corps telle position. Qui est à la fois la réalité du social où nous vivons, et à la fois sa limite qui tend a être de plus en plus vécue comme brutale à mesure qu’effectivement elle se rétrécit, bout du rouleau du sujet et régression aidant. N’empêche, le piège n’est pas dans cet objectivation rationalisée que nous souhaiterions, mais dans le cadre de rapports sociaux qui le fait percevoir unifié et nécessaire. Le corps est la réponse obligée et en ordre de marche aux exigences de la valorisation sociale, condition à se reconnaître et à être reconnue valablement existante.

 

Changer le (et non changer de, donc, qui est absurde) corps, bien des collègues l’ont souligné avec des motivations très diverses, n’est pas changer de genre. Mais surtout se positionner dans l’incorporation comme objectivation signifiante, c’est rester dans la logique du rapport de sexe et de ses fonctionnalités.

 

Un autre aspect de la question est l’aperception que nous avons intégrée des places dans le rapport social de sexe, qui est à la fois d’expérience, on ne peut plus réelle, des nôtres, et d’idéologie de celles qui ne le sont pas. Pasque là je suis désolée, mais je ne crois un instant aux thèses essentialistes d’un « on est » qui créerait par lui-même la connaissance ; on sait ce qu’on veut pas, on sait pas ce qu’on veut à la place, on doit l’apprendre. Ou l’inventer. On doit d’autant plus l’apprendre que, nanas transses, nous ne sommes pas des cisses et que nos situations dans ce qui reste le rapport social de sexuation n’est pas encore vraiment déblayée. Mais on l’apprend, à coups de pieds dans le derrière et des fois autre part.

 

En somme, nous ne pouvons (enfin si, on le peut, bien sûr…) nous exonérer de mener une critique de ce que nous projetons sur la supposée immédiateté « corps » - et par là même de mettre en question cette confiance,k cet investissement dans un supposé signifiant premier, matérialisé et assigné. Bref de cette fétichisation, de cette attribution/transformation d’un ensemble de rapports sociaux en un donné, ou un reçu, supposé a priori et inévitable, voire profitable.

 

La critique de la notion de corps, par l’examen de ce à quoi servent socialement les éléments strictement hiérarchisés et focalisés qui la, le composent, l’ordonnent, est une des possibles voies de sortie de la sexosocialisation. Mais pour cela il nous faut admettre de ne plus rechercher une quelconque inclusion dans ce à quoi doit servir ce « corps », mécanique dédiée, précisément pour ouvrir, on espère avec d’autres, une brèche dans cet usage enjoint qui fait le rapport social de sexuation. Bref, cesser d’en user, et mettre en cause frontalement l’usage, ses objectifs, les spontanéités qui y convergent.

 

Pour ça aussi qu’il n’y a absolument aucune issue à ce monde, à ses fonctionnements et conséquences, dans la « revalorisation » de tel aspect, d’ailleurs généralement très prévisible (le cul, la compétence, bref la production de valeur par le consentement à l'exploitation), de la forme sociale corps. Ça ramène toujours aux mêmes injonctions, aux mêmes hiérarchies, aux mêmes objectifs. À un moment il faudrait peut-être arriver à se dire que ce sont ces objectifs consensuels, à quoi ça sert, qui nous instrumentalisent et nous oppressent, et qu’il ne s’agit donc pas, surtout pas, de les libérer, déchaînement des forces productives dont pourtant le devenir contemporain nous montre bien qu’elles nous consument, anéantissent ; mais au contraire de les ligoter et de les noyer ! D’oublier ces obsessions convergentes qui ont toujours été consubstantielles au pouvoir, à la valeur et à la masculinité. Il n’y a rien à récupérer, à se réapproprier dans cette tétanie.

 

Renverser la question sociale, quitter l’affirmation a priori des formes « bonnes » qui devraient nécessairement faire la félicité commune, tu parles, et questionner le à quoi ça sert, et se dire par ricochet que à quoi ça sert produit le monde où nous sommes, le sujet que nous sommes. Bref que le but est le problème. Et que les évidences ressenties, les catégorisations qui s’imposent, nouent ce problème. Tranchons.

 

# stop corps, stop sexosocialisation, stop économie relationnelle

Ni corps, ni âme, déconstruire les packs et leur usage.

 

 

à ce sujet, également, http://lapetitemurene.over-blog.com/2017/05/anna-tommy-7-body-negative-la-ronde-de-l-immediatete-incarnee.html

 

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La Bestiole

  • : transse et bie juskaux yeux ; vivisecte les économies politiques, premier, second marché ; acétone et antivitamine K - Le placard à Plume, la fem-garoue
  • : Un informel méthodique, exigeant, fidèle, pas plaintif, une sophistique non subjectiviste, où je ne me permets ni ne permets tout, où je me réserve de choisir gens et choses, où je privilégie le plaisir de connaître, c est là mon parti pris, rapport aux tristes cradocités qui peuplent le formel cheap, repaire des facilités, lesquelles en fin de compte coûtent bien plus. Je me vante un peu ? J espère bien. Déjà parce qu ainsi je me donne envie de mieux faire. Hé puis ho ! Z avez vu les fleurs et les couronnes que vous vous jetez, même l air faussement humble ? Faut dépercher ; quelqu'orgueil assumé vaut mieux qu une pleine bourse de roublardise attirante. Je danse avec le morcellement et la sape de l'économie, de la valorisation, de la fierté, de l'empouvoirement.
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