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30 mars 2018 5 30 /03 /mars /2018 16:28

 

 

Après le tidore, le tidove ; dans la famille de nos belles guiboles apologétiques, représentativistes, eurythmiques et saisonnières desquelles nous espérons récolter acceptance ; judicieusement calé, ainsi que l’autre dans les désespérances des ténèbres, dans les clartés du printemps commençant, période d’optimisme et de bonnes résolutions. J’ai mis du temps à capter, depuis ma marge qui est celle de la plupart des nanas transses, à bien des titres divers ; je me garderai bien, comme cette plupart des collègues, d’y amener mon museau à l’étal. Toujours aussi critique de notre confiance dans les résultats, comme les présupposés, de l'image lisse, idéale que nous nous échinons à diffuser. On va devoir revenir une fois de plus sur le nœud d’ambiguïté qui niche dans cette notion de visibilité – laquelle désigne plutôt les fruits espérés de la légitimation et de la représentation. La plupart des transses ne se font pas d’illusion là-dessus, ici et maintenant, souhaitent plutôt qu’on leur fiche la paix, cisnormer certes mais à petit bruit, à petit prix, condition de survie, et donc être invisibles de fait, autant que faire se peut.

 

C’est probablement une des explications du peu de succès qu’ont les appels à mettre sa frimousse et son statut en scène ; et de la distance qui se maintient entre la très grande majorité des transses et la dynamique associative. Il faut voir aussi à quel point la mise en scène, en fonction et au nom d’une normalité qui se dérobe, de plus en plus exclusive et exigeante, produit finalement ce que produit toujours ce qui essaye de ramener un rapport social passablement inégalitaire et brutal à une « différence » qu’on tient insérable dans le processus de valorisation citoyenne et économique, « quand on veut on peut ». Lequel processus dérobe ses fruits éventuels dans les mêmes proportions que l’acceptance de genre. Et réciproquement. Ça tourne assez vite au pathétique « nous aussi, nous aussi », d’autant donc qu’il n’y a pas de mobilisation massive des trans’, et notamment des nanas transses, de très loin les plus ciblées par la violence et l’illégitimation. Même le must hexagonal annuel en la matière est en fait peuplé aux trois quarts d’ « alliées » cisses… On en arrive à une espèce d’auto-exotisation « positive » où on ne parvient plus à se dépêtrer de l’imbroglio entre ce qui est projeté sur nous, attendu (notamment par les dites « alliées » qui nourrissent en retour la normativité interne), ce qui nous est imposé, le rapport social général ; et où on finit par utiliser ce qui nous assigne encore plus pour essayer « d’en sortir » (c'est-à-dire en réalité d’y renter et de s’y faire légitimer).

 

L’atmo qui règne de plus en plus uniment dans le petit monde d’assocelande n’y est pas non plus pour rien. D’une époque première où l’affirmation comprenait encore la controverse, on est passées à une dynamique de normalisation pure en simple, axée sur un, deux ou éventuellement trois catéchismes de « ce qu’on est », véritables confessions entre lesquelles les vicaires, les bergères et leur fans se partagent. Et à l’idéologie politique, il est vrai générale en démocratie marchande, du salut par la représentation, par le « au nom de », laquelle a installé dans presque toutes une logique de pouvoir pyramidale, dans laquelle tu suis, tu applaudis ou tu jartes ; la réserve de monnaie d’échange pour faire accepter ce fonctionnement tenant dans les capacités, assez inégales d’une orga, d’un regroupement à l’autre, de donner connaissance des ressources médicales et juridiques. Lesquelles sont du coup, monnaie donc, devenues souvent encore plus concentrées sur un petit groupe et ses dépendances, ce qui n’est pas peu dire vu ce que c’était déjà ; mais notre nombre géométriquement croissant se heurte doublement à la rareté relative à notre multiplication des ressources accessibles et disons bienveillantes, et à la raréfaction absolue de l’accès à ces mêmes ressources de par les politiques de santé, administratives, budgétaires etc. Il y a un air de contrainte et de maltraitance internes qui souffle dans nos milieux, pulsé par la dégradation générale de la situation sociale qui nous met toujours plus sur la touche, lesquelles se structurent et légitiment sur la croyance qu’un unitarisme un tantinet simplificateur, une course à l’utilité docile et légitime, aidera à l’inclusion dans le dit social. Bref l’importation en l’état de comment ça se passe dans la grande méchante société à laquelle nous candidatons ; quelque part c’est tragiquement logique. Ce genre de calcul n’a cependant à peu près jamais marché pour les minorités, surtout celles à contre courant des devenirs généraux – nous sommes en période régressive et restrictive. Et même, si ça « marchait », ça ne marcherait que sur ce phénomène croissant d’élimination a priori en interne pour passer le tamis, de violence diffuse exercée par des trans’ sur des trans’, au nom de quelqu’abstraction trans’ à pourvoir, ce qui ne peut pas être un présupposé acceptable. Et en tout état de fait donne au mieux la production reproduction d’une élite subalterne assez réduite. En tous cas, le mot circule désormais à tranbslande au sens large : si vous êtes pas blindée, masote ou candidate à la prise de pouvoir, mettez quelque distance avec notre institutionnel communautaire. On peut pas dire que ce soit en soi une réussite flagrante.

 

Il ne faut justement pas être naïve ; s’il y a certainement une appétence subjective pour le pouvoir et la domination en interne chez beaucoup de nos reines de petites ruches, la vraie cause et justification de ce que ce pouvoir peut s’exercer, dans ses limites assez frustes il est vrai, tient encore une fois à la conformation même, historique et sociale, de l‘associatif et du politique en général. Une mini république des citoyennes dont l’idéal de moins en moins accessible est d’être respectées et « indépendantes » (c'est-à-dire suffisamment riches individuellement), donc dans notre cas qui voudraient bien l’être, et dont la structure de fonctionnement est la représentation. Représentation qui en fiction affirme être la somme diverse des « parties prenantes » ; sauf que ces parties sont à l’avance déterminées comme convergeant vers la réalisation de ce sujet de l’économie politique et relationnelle (bis !), lequel expédie hors de lui-même, de ses niveaux d’exigence, la très grande majorité des transses (sans parler de bien d’autres). Bref, comme dans la grande république, la société au sens large, nous sommes confrontées à une représentation au nom de critères objectivés qui en fait nous évaluent et nous trient. C’est ce qui fait, comme on l’a déjà dit, l’impuissance et l’inadéquation croissante des assoces à la situation sociale qui se dégrade. C’est très bien de réclamer l’idéal citoyen, mais dans les faits la plus grande partie d’entre nous n’a même plus ou pas accès à ses bases « supposées ». Enième déclinaison de « pour exercer des droits il faut avoir déjà des moyens », et par ailleurs une place effectivement vivable dans le rapport social et sa norme. Ça ne marche que dans ce sens là, d’innombrables déconvenues par toute la planète, depuis des décennies, ont fait justice si j’ose dire du présupposé selon lequel le politique et le juridique entraînent l’égalité réelle et l’amélioration des conditions de vie.

 

Translande instit’ tourne donc en rond, sur un personnel qui reste fort réduit vu la pratique autoritaire et le relatif peu de moyens qu’on y dégotte en échange de son acceptation. Ce côté autoritaire découle grandement de la crédulité qui nous imprègne toutes, petites cheffes comme fan clubs comme loquedues, que nous sommes nécessairement dans la bonne voie, représentons légitimement la propension à nous intégrer au social tel qu’il existe, et que ça ne peut que « marcher ». Nous agissons toutes au nom d’un même idéal, un horizon dont la perpétuelle dérobade ne nous interroge guère, à part l’injonction à courir plus vite après lui, des fois que.

Et les démonstrations de visibilité, ici on revient à l’ambiguïté initiale liée à ce terme, se multiplient, s’institutionnalisent, nous mettent en scène au nom d’une égalité et d’une intégration qui de toute façon nous sont de plus en plus systémiquement et massivement refusées, tout en essayant de gommer le rapport contradictoire que nous entretenons vis-à-vis des implications de la norme de sexuation, drastiquement exigeante, y compris pour les cisses, et dont le surjeu autant que le « dépassement », le « comme si pas » nous décrédibilisent un peu plus, si nous en avions encore besoin ! Nous nous obstinons avec régularité à tenter de nous légitimer et pousser en avant par les côtés les plus étroitement normalisés du social, ceux sur lesquels, sans même discuter ici de leur pertinence et conséquences générales, nous sommes de toute façon les plus distanciées et donc pathétiques. Nous alternons ainsi dénégation de notre situation hors la norme et revendication d'empathie formelle et condescendante. Nous ne pouvons pas être mises ou nous mettre en scène au nom de ce qui nous élimine – et d’un rapport de sexuation dont nous constituons un glissement potentiellement hors. Il nous faut assumer la négativité que nous portons, tout en évitant de nous mettre en porte à faux en cherchant à la normaliser, d’autant que cette normalisation ne marche pas, n’est pas acceptée par ses détentrices majoritaires.

 

Bref, le tidove, comme toutes les manifestations de ce type, ce sera quelques adhérentes ou alliées gigognes qui débiteront une apologétique certes sympathique mais un peu décalée, de plus en plus restreinte et restrictive au regard des situations les plus courantes des transses dans ce pays, de plus en plus alignée sur une espèce d’autopersuasion que les rebuffades et violences quotidiennes ne parviennent pas à dissiper, parce qu’elle est « de droit ». On devrait. A fa f’est fûr, on devrait, ça serait bien, personne ne le contredira, ni les transses en question ni même votre négative serviteuse, mais en attendant ce n’esr pas comme ça que ça se passe, ça ne paraît pas en passe de l'être, et il soufflera comme toujours un vide, un non dit aussi, énorme autour de ces petits spectacles, que la sollicitude présente d’alliées cisses seront bien loin de colmater – au contraire, ça appuie bien souvent sur la survisibilisation forcée et l’inégalité normative. Et ça ne fera en aucun cas taire les ricanements transmisogynes qui préparent aux violences physiques. Encore faut-il, le disais je juste là, au sujet d'un évènement récent et des ses commentaires à genrelande, que ces violences soient reconnues comme telles – mais queud’ch’, les cibles sont désexualisées, « personnes trans », encore un déni auquel nous consentons, nous participons celui donc de cette transmisogynie, déni qui alourdit encore notre douloureuse ; nous douillons pour la légitimation d’autrui. Comme si on en avait trop !

 

Nous objectiver, nous poser en fait immuable, institué, originel, anhistorique, subjectivé ou biologisé, c’est une des multiples manières de ne pas nous connaître ni nous situer. Nous avons du mal à nous faire à nous mêmes, avec toute notre expé, déjà parce que bien sûr nous sommes une nouveauté dans la sexuation et le rapport social qui la fonde ; mais aussi parce que nous nous rapportons d’emblée à la réalisation nécessaire et convergente des exigences et des normes cisses, du fonctionnement social en l’état, qu’en fin de compte nous voulons intégrer aux forceps, en fonction duquel donc nous nous comprenons et déterminons, alors même que nous sommes déjà un glissement hors ; et que de toute façon nous totalisons pas grand’ chose dans l’échelle de légitimité qui le gradue. Nous nous dépeignons à nous-même, derrière notre posture affirmative, comme conditionnées par ces formes à réaliser. Au lieu de nous déterminer dans notre devenir social en partie perpendiculaire, par acquisition de connaissances, dans le changement que nous portons, nous préférons souvent nous produire et nous présenter sur des schémas a priori indexés sur les objectifs et les critères, et aussi les silences, du social majoritaire.

C’est toujours bien de ne pas se prendre pour de la daube, je suis résolument contre les approches pénitentielles (genre celles que voudraient nous imposer les terfes les plus « libérales ») ; mais conditionner une auto-estime, notion elle-même déjà problématique parce qu’elle vise à la concurrence dans la valorisation, à la copie de, à la convergence appuyée vers des formes sociales déjà caricaturales et aux conséquences douteuses, systémiquement défavorables aux minoritaires, ça me semble pas vraiment une bonne manière de contrer ça.

 

 

Vu le rapport de force et de valeur entremêlé, dialectisé pourrait on même oser, nous ne pourrons pas faire, et ce d’autant moins que nous flatterons, confirmerons ses normes et objectifs structurels dans l’espoir de nous y faire inclure, que le marché politique, normatif, relationnel ne soit pas ce qu’il est et sur quoi il se rigidifie à mesure qu’on se rabat sur lui comme source de valeur de recours, ne vise pas ce qu’il vise, n’évalue pas et n’élimine pas ce qu’il élimine. Il y a chez nous une naïveté un peu autodestructrice, derrière son désir de légitimation, à espérer que les cisses qui ont déjà bien du mal à s’y en sortir vont faire bon accueil à nos frimousses de travers, à nos statuts difficilement négociables sur ce marché déjà saturé et bloqué. Car ce que nous nommons ingénument ou iréniquement « reconnaissance », supposée égale, est comme toutes les productions citoyennes en réalité un marché qui évalue et hiérarchise.

 

Nous nous flattons d’une visibilité rêvée, d’un miroir qui confirme à notre annexion à une cisnormalité vaguement, très vaguement élargie, pas trop quand même, tellement nous aimons à nous penser « comme les autres », que notre normalité exsude comme un parfum de notre identité ciscole. Inclusion désirée qui stipule et contienne les avantages de la cisnomalité : accès au marché relationnel et politique, à la reconnaissance. Sauf que ce qui nous vient et revient, notre visibilité de fait, le miroir qui nous est tendu porte la vue de ces autres qui ne nous voient, c’est rien de le dire, pas comme elles ; avec sa garniture d’illégitimité, de rejet, de ridiculisation (fonction sociale éminente), et de substantifs aux petits oignons. Le social prime résolument sur les identités. Et si nous continuons à vouloir ce monde, ses joies, ses valeurs, ses fonctions, hé bien c’est lui qui nous arrive force dix dans la figure, avec ce que ces valeurs et fonctions nous assignent. Le miroir n’est gentil miroir que dans l’autopersuasion ; il nous éclate à la tronche dans le rapport social effectif, et à cause des usages et principes mêmes du dit rapport. Nous cherchons à représenter ce qui nous anéantit – à notre décharge, on n’est pas les seules. Mais c’est pas ça qui va nous sortir le cul des ronces.

 

Nous n’avons pas besoin de présentation, surtout parcellaire et pathétique, mais de moyens d’existence. À quand la « journée » d’organisation des moyens d’existence par les transses ? Notre place, si cette formulation a un sens, nous ne devons l’attendre de personne, d’aucune bienveillance suplombante, d’aucune confimrations cisse, d’aucun droit a priori ; mais uniquement de nous-mêmes et d’auto orga aussi pratiques, matérielles et égalitaires que possibles. Et de cesser d’aller tendre notre museau en croyant qu’il sera embrassé, caressé, inclus.

Enfin, vu notre éparpillement et notre isolement, bien réels, auxquels aucune « visibilité représentative » ne remédiera, commencer à songer à une socialisation effective, continue, et non médiatisée par le tri associatif, lequel, avec ses meilleures volontés, ne fait que tenter de reproduire un mode dépassé, dont personne n’a plus les moyens ; et de ce, n’est pour la plupart d’entre nous un endroit ni d’émancipation, ni de safety. Il nous faut vraiment le remplacer, par quelque chose qui parle au et soit à la portée du plus grand nombre, à commencer par les plus faibles.

 

*

 

Nous jouons, surjouons, la diversité et l’exotisme dans une imagerie subjectiviste et romantique ; alors que de fait, nous sommes des plus acharnées à réaliser les contraintes intériorisées et les objectifs du social majoritaire : se valoriser, relationner, représenter, à y revendiquer une inclusion qui nous y soumet intégralement. Paradoxe qui n'est pas que le nôtre, mais un des aspects du sujet en perte de vitesse. Il y a vraiment maldonne, et là dans notre propre méthode de connaissance de nous-mêmes. Sauf que gaffe, c’est peut-être cette trajectoire déjà courbée, interrompue, qui nous ramène au même, qui scellera notre disparition dans la lutte de toutes contre toutes pour se loger avec désespoir dans un social déjà rabougri, mangé aux mites, près de sa fin.

 

 

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La Bestiole

  • : transse et bie juskaux yeux ; vivisecte les économies politiques, premier, second marché ; acétone et antivitamine K - Le placard à Plume, la fem-garoue
  • : Un informel méthodique, exigeant, fidèle, pas plaintif, une sophistique non subjectiviste, où je ne me permets ni ne permets tout, où je me réserve de choisir gens et choses, où je privilégie le plaisir de connaître, c est là mon parti pris, rapport aux tristes cradocités qui peuplent le formel cheap, repaire des facilités, lesquelles en fin de compte coûtent bien plus. Je me vante un peu ? J espère bien. Déjà parce qu ainsi je me donne envie de mieux faire. Hé puis ho ! Z avez vu les fleurs et les couronnes que vous vous jetez, même l air faussement humble ? Faut dépercher ; quelqu'orgueil assumé vaut mieux qu une pleine bourse de roublardise attirante. Je danse avec le morcellement et la sape de l'économie, de la valorisation, de la fierté, de l'empouvoirement.
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