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25 octobre 2018 4 25 /10 /octobre /2018 11:04

 

 

La mémoire objectivée comme instrument à produire de la légitimation, « notre place au néon » quoi, nous englue et nous immobilise, exactement comme elle le fait et y sert à tout le social et l’idéologique. Qu’est-ce que nous traînons et transmettons, sinon notre échec à ce jour à changer les choses et nous-mêmes, des cadres de questionnements limitatifs et de réponses catéchétiques qui ont même eu tendance à se rétrécir avec le temps, et c’est ce rétrécissement que nous sélectionnons comme significatif ? Qu’est ce que nous reproduisons et rééditons sinon de vieilles daubes caricaturales, qui nous tirent en arrière, nous enferment dans des modèles de sclérose ou de cauchemar systémiquement ciscentré ? Au lieu de nous réfléchir et de nous organiser en fonction d’où nous en sommes, de développer des pistes et des espaces – et ce serait un peu le moment, vu comment ça tourne ; notre appétence de passé joue là aussi le même rôle de déni de la cata générale en cours que dans la grande méchante société. La mémoire, dans son format actuel, est un fétichisme filtrant qui se met de plus en plus en travers des expés situées, remplace la conséquence par la célébration, et une célébration est toujours un biais, dont il urgerait de dénicher les options cachées (ça fait d’ailleurs partie de l’expé, celle de nos choix et inégalités en interne).

 

À un moment il faut un peu laisser tomber ce mémorialisme, qui est (encore ! nous en raffolons) une forme majoritaire récupérée, comme l’héritage, la famille, tout ce qui suppose qu’on a du bien du lourd à négocier, et songer et à ce qui se passe maintenant, pour nous, et à ce qui va se passer, qui galope et évolue. Nous avons développé à force la vieille réticence au mouvement, laquelle se blinde d’images assignantes, impératives. La dynamique (si on peut dire) de la photo de famille, qui bascule dans le matrimoine et l’héritage, et le monde droitier, la marche à reculons que cela suppose. Oublions un peu ce à quoi des fantômes, agitées par le vent mauvais d’un certain conservatisme qui nous gagne et d’ailleurs opportunément relookées en fonction d’un atemporel révisé, sont prétendues nous demander de nous tenir, et à carreau. Et dde nous tenir dans quoi ? Quèquepart dans l’idéal assez élitiste d’une classe moyenne alternative, raisonnablement intégrée, subersive juste ce qu’il faut, subjectiviste à fond les ballons – une adaptation identiste d’un certain libéralisme, qui évite de remettre en cause les structures de base d’un sociale et d’un économique qui cependant partent en vrille, avec la plus grande partie d’entre nous, qui n’avons que faire et nullement les moyens de la mémoire d’un époque de conquêtes, de grignotage intégratoire et d’accumulation méritocole. Mais c’est sûr que cette « plus grande partie » n’apparaît pas, et ne le peut, sur les photos jaunies. Le terme même de mémoire, qui sous un faux à donner neutre et naturel recouvre dans le contexte actuel un rapport crispé, angoissé à un destin supposé, qu’on craint en plus d’avoir raté (ce qui est quelque part exact, il a avorté avec le monde rêvé des droits et de la prospérité pour toutes) contient en lui-même le tri de ce qui sera pris en compte, imagé, conservé, et de ce qui ne le sera pas, qui fait tache ou qui fait trou. Ce qui ne fait pas sens, histoire, qui manque, qui n’est pas origine lumineuse, constitue le présent et l’avenir effectifs autant qu’inavouable, innégociable de nouzautes, éparpillé, négligé et quelque part méprisé. C’est de la petite vie, en situation ; ça ne jette pas bien, c’est zéro fierté, cette monnaie de substi qui ne vaut qu’appuyée par la seule, la vraie, la richesse et la puissance. Un aspect de plus de la déchirure de plus en plus large et profonde entre la quête de statut autoporteur et de réappropriation des normalités, et l’état matériel et social en chute libre pour les minorités. Nous en sommes à rêver de nos « trente glorieuses », en quelque sorte, qui se sont faufilées à la queue des dernières années d’expansion, sauf que ça c’est fini.

 

C’est tout de même remarquable comme le principe d’affirmation, ainsi que chez les majoritaires, aboutit à une frilosité fétiche, à une peur de tout ce qui pourrait rebattre les cartes, à un bain de sénescence désirée, de toujours déjà là plombé ! Et à la haine de ce qui bien évidemment, malgré cette rétivité, nous pousse en avant, fait s’effriter et se recomposer la part les plus fragile de nous-mêmes qui constitué alors de fait nos avenirs, alors que les bien assises se carrent avec hargne et terreur dans leurs canapés en espérant que rien, rien ne va bouger chez nous. Décidément, à genrelande comme ailleurs, salaudes de pauvres et autres loquedues, qui sont le maillon faible de la repro complaisante de celles qui négocient plus ou moins paisiblement la reconduite des situations, des objectifs, des comportements.

 

Nous causons de transmission ; mais nous évitons scrupuleusement d’en faire à propos de ce que nous avons raté ou occulté, de ce qui nous revient à la figure dans nos présupposés. La transmission n’est chez nous pas tant l’expé qu’elle prétend être qu’un héritage, encore un, qui doit donc être à somme positive, profitable, et à au moins une partie d’entre nous. Sans quoi nous avons tendance à le refuser ; ce qui est doublement le mettre sur le dos de celles qui ne peuvent échapper à ses conséquences. C’est entre autres de ne vouloir archiver et prendre en compte que les rendus qu’elle a envie de voir et d’entendre que genrelande tourne en rond depuis bien des années.

 

Par ailleurs, il serait pertinent de se poser la question de la corrélation de notre refuge mémorialiste et du patinage, pour ne pas dire pis, d’une notable partie des approches de pensée transse, lesquelles ont trop souvent, depuis quelques années, tendance à stagner et quelquefois à régresser vers une plainte légitimiste apologétique et acritique, par là même adhésive aux structures de socialisation imposées, qui sortent du champ de la réflexion pour être maintenues en ce qu’elles se prétendent, un « pour toutes » de promotion statutaire qui bien entendu a toujours été, restera toujours une illusion et un mensonge à usage majoritaire. Mais c’est la rançon, en quelque sorte, de la panique de légitimité, qui ne peut analyser ce à quoi elle vise. Nous nous plaignons des conséquences intrinsèques de ce à quoi nous réclamons d’être incluses, tel quel, et dont la conditionnalité comme le caractère éliminatoire sont contenus dans les structures idéalisées. No way.

 

Plus encore que d’être irrécupérables, il nous faut un peu penser à être irrécupérantes. Sachant que ce que nous pensons utiliser nous utilise, nous détermine : le social, l’image, c’est plus fort que toi ! Et cesser d’adhérer à la forme mémoire, qui plus est dans son rôle social majoritaire actuel, qui occulte et contrarie fréquemment un souci conséquent de nous à présent. Nous tourner résolument vers où nous en sommes, et pas vers les images assignées des miroirs normatifs et historicisants. La mémoire formatée, instrumentale, est un boulet qui coule beaucoup d’entre nous, qui nous circonscrit, nous oblige à ce dont nous n’avons plus les moyens, si jamais nous les avons eu (car aussi qui, chez nous, les a eus, et qui a du subsister en marge ?) ; pire, nous interdit silencieusement de nous déplacer et d’avancer vers ce que nous pourrions pour nous-mêmes, qui est voué à rester hors cadre. Ou quand une certaine idée de la communauté empêche l’émergence pratique de celle-ci.

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La Bestiole

  • : transse et bie juskaux yeux ; vivisecte les économies politiques, premier, second marché ; acétone et antivitamine K - Le placard à Plume, la fem-garoue
  • : Un informel méthodique, exigeant, fidèle, pas plaintif, une sophistique non subjectiviste, où je ne me permets ni ne permets tout, où je me réserve de choisir gens et choses, où je privilégie le plaisir de connaître, c est là mon parti pris, rapport aux tristes cradocités qui peuplent le formel cheap, repaire des facilités, lesquelles en fin de compte coûtent bien plus. Je me vante un peu ? J espère bien. Déjà parce qu ainsi je me donne envie de mieux faire. Hé puis ho ! Z avez vu les fleurs et les couronnes que vous vous jetez, même l air faussement humble ? Faut dépercher ; quelqu'orgueil assumé vaut mieux qu une pleine bourse de roublardise attirante. Je danse avec le morcellement et la sape de l'économie, de la valorisation, de la fierté, de l'empouvoirement.
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Mieux vaut un beau champ de bataille qu'un moche terrain de lutte. Banzaï !

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