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11 novembre 2017 6 11 /11 /novembre /2017 13:35

 

 

La « parole transse » préformatée, « une et indivisible », semble désormais une épice indispensable du médiatique people bas de gamme. Sur le non moins indispensable, et d’ailleurs imposé, format du témoignage, assaisonné de la dose jugée raisonnable de gémissement – surtout pas d’approche sociale et générale, pas de recul, personne, ni les cis’ ni nous-mêmes, ne s’y « reconnaîtrait », puisque nous sommes toutes il paraît « uniques » en bonne règle personnaliste et libérale (la ronéo sociale et identiste de fait ne devant relever que d'un hasard aussi fortuit, inexplicable que nous devons le rester). Mais surtout nous sommes là pour y donner le petit frisson si utile au soulagement des rescapés des glissements, disgrâces, dévalorisations diverses, pour qu’iels se remercient de n’en pas être. Même on se dit que ce qui est congloméré sous la notion gigogne de diversité sert beaucoup à ça : revaloriser relativement et rassurer le non-divers, la majorité silencieuse, ce qui reste du référent.

Et nous y apportons le bénévole enthousiasme shadokien minoritaire de « cette fois on ne se fichera pas de notre trogne », mordant et remordant surtout à l’appât inusable, en ce qui nous concerne vide, de la reconnaissance, de la notoriété, de la représentativité et autres papiers à mouches cheaps pour illégitimes, dans lesquels nous volons gaiement nous engluer, nous faire ridiculiser et décrédibiliser - surtout quand on voit la "qualité" des émissions et des présentateurices dont nous allons régulièrement renflouer l'audimat, la poubelle de media déjà en moyenne peu salubres. Et encore une fois, en la matière ça ou rien - et rien serait largement préférable, le ça ou rien traduit d'emblée une situation vouée à ne pas évoluer. Belle manière de confirmer délibérément, ainsi, où nous nous situons dans cette société. Et ce, volontairement, et ce depuis vingt ans. Rien oublié, rien appris, toujours la même avidité pour les mêmes impasses qui nous mènent à nous ravaler nous-mêmes. Au nom d'une "pédagogie" qui reste vouée à faire s'esclaffer le bon cispeuple, à abonder la larmaloeil de quelques abuseuses inclusives, et à aider à perpétuer ainsi de fait l'exotisme méprisant et malveillant. La tête contre les murs. Pendant ce temps, dressées, quel confort, sur le bout des pieds pour en prendre plein sur le museau et encore dire merci, nous nous assurons zéro care mutuel, zéro auto-orga, puisque notre avenir est paraît-il dans la cisreconnaissance, dans la « promotion » (au mieux de quelques unes, et comme guignoles soigneusement exotisées, toujours ces « autres » qu’on ne doit surtout pas risquer de devenir, ouf), dans l’élitat subalterne, soutières auxiliaires, précaires et strapontines tant du rapport social de sexe que de l’économie politique, avec la part y congrue de clownerie médiatique donc. On y revient. On y revient sans cesse, on s’y ramène autant et plus qu’on y est ramenées ; mais surtout n’en parlons jamais, n’y pensons non plus !

 

On a déjà moult parlé des conditions d’imagerie, pour les nanas cisses, et un peu aussi pour les transses. Sourire ou colère, parcours aller-retour circonscrit (et colère qui attention doit rester colère, épidermique, ne doit jamais trop se coaguler en réflexion systémique, pasque c’est pas authentique ni là encore congru à ce à quoi nous sommes assignées, et surtout parce que ça pourrait remettre en question les buts que la colère investit et approuve par son indignation de n’en pas être). Mais encore une fois, le nœud des rapports sociaux existant, étions nous tant que ça obligées d’en rajouter, de le tirer un peu plus ? Je ne sais pas. Peut-être. N’empêche que ça ne nous a pas vraiment fait avancer, que ça nous interdit de reculer, encore plus de cheminer de côté, bref que ça nous immobilise, nous assigne factuellement quoi à rôle et à résidence, avec nos bouilles et nos nez pas au milieu de la figure, propres à nourrir rigolade et pitié. Et nous avons je pense encore moins usage de la seconde que de la première, ce qui n’est pas peu dire vu ce que le rire surplombant, légitimiste, manifeste dans notre monde social (il est fréquemment la porte du meurtre). Nous sommes et ne pouvons être là que pour qu’on rie de nous, pour conforter très paradoxalement la cisnormalité, pour ajouter une épaisseur d’infériorité à la réserve que se suppose le sujet légitime et qui le séparerait de l’élimination (que lui prépare par ailleurs sa propre logique concurrentielle, mais chut !).

 

Est-ce qu’à un moment nous allons arriver à saisir que défiler dans les peu diverses lucarnes médiatiques pour quémander une normalisation et une légitimité par rapport auxquelles notre condition même, cumulativement, nous place en complète perpendicularité, hé bien ne fait que figer le rapport social, nous rend, c’est dur à dire, toujours plus comiques, dans un monde où être objet du comique est encore une fois une justification de fond à l’extermination – et en attendant celle-ci à la violence quotidienne ? Il faut arrêter avec la recherche d’empathie, l’appel aux bons sentiments, le dévouement, qui ne font que livrer l’image même qui potentialise le mépris, la distance et un peu l’effroi. Rompre avec la mise en scène infatigable d’un ressenti improbable que nous essayons d’écouler à prix cassés sur le marché légitimitaire. C’est zéro, encore une fois. Et pendant ce temps, toujours espérantes, nous évitons de nous considérer nous-mêmes, de parler entre nous, de nous déterminer et organiser. Nos bergères autorisées en sont encore et toujours à réclamer telle ou telle modification dans la distribution, dans la représentation, alors qu’en ce qui nous concerne, les nanas transses, le blocage est dans le principe même. Et le restera longtemps. Peut-être même toujours. L’image, la visibilité est notre ennemie. Et notre angoisse d’intégration, de reconnaissance, nous place dans les rangs, fonctionnellement, de nos adversaires, noua arrache à nous-mêmes, que nous voudrions, je me répète, désespérément, impertinemment, et d’ailleurs inutilement, fuir, à travers une présence sociale idéalisée, médiatisée, fake. En somme, nous nous instrumentalisons nous-mêmes par ce canal, et, chose remarquable, nous servons alors autant de repoussoir opportun aux uns que de bébées phoques prétextuelles aux autres ; nous sommes instrumentalisées à la fois négativement et positivement, de notre plein consentement et appétit. Et nous nous étonnons d’en supporter les frais (ce qui bien évidemment fait partie de cette même logique). Et de ne plus avoir de quoi investir chez nous. L’image, finalement, est hors de nos moyens, hors de nos prix. Tirons en conséquence. Ou pas. Mais alors cessons d’en chouigner.

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La Bestiole

  • : transse et bie juskaux yeux ; vivisecte les économies politiques, premier, second marché ; acétone et antivitamine K - Le placard à Plume, la fem-garoue
  • : Un informel méthodique, exigeant, fidèle, pas plaintif, une sophistique non subjectiviste, où je ne me permets ni ne permets tout, où je me réserve de choisir gens et choses, où je privilégie le plaisir de connaître, c est là mon parti pris, rapport aux tristes cradocités qui peuplent le formel cheap, repaire des facilités, lesquelles en fin de compte coûtent bien plus. Je me vante un peu ? J espère bien. Déjà parce qu ainsi je me donne envie de mieux faire. Hé puis ho ! Z avez vu les fleurs et les couronnes que vous vous jetez, même l air faussement humble ? Faut dépercher ; quelqu'orgueil assumé vaut mieux qu une pleine bourse de roublardise attirante. Je danse avec le morcellement et la sape de l'économie, de la valorisation, de la fierté, de l'empouvoirement.
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Mieux vaut un beau champ de bataille qu'un moche terrain de lutte. Banzaï !

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