La famille – la violence interne, le silence et le déni dessus, le mépris, la hiérarchie de la valorisation, bref toutes ces sympathiques ordonnances infuses du social général, y sont impitoyables, comme dans toutes les familles, étroites ou élargies. Et je vous laisse à penser ce que représente y être marginale, ce que vous pouvez en attendre pour la préservation de votre peau – nothing. Et cependant, cette même famille sociopolitique, brutale, indifférente, haïssante, est le seul endroit, le seul environnement social où on peut s’attendre en même temps à ne pas être, formellement, ouvertement, agressée en tant que transse (même si ce n’est que partiellement vrai, vu l’approche pas vraiment claire qui prévaut à ce sujet à tépégélande). Bénéfice du texte, pas moins mais pas plus. Disons que nous entretenons, en temps normal, la seule civilité où nous puissions ne pas avoir primairement peur, quelquefois et pour certaines ne pas tressaillir au premier bruit ou mouvement. C’est dingue hein ? Oui, c’est dingue et ça rend dingue, bien entendu. Et c’est le fond de l’affinitaire et du familial, voire du relationnel : subir une violence qui en quelque sorte fait aussi mine de protéger - mais de quoi, en fonction de quoi et dans quelles limites ? Argh !
Nous n’avons donc pas réussi à constituer autre chose qu’un nouveau secteur du vieil échange, du vieux chantage social : violence interne consentie versus violence externe tenue plus ou moins à distance. À notre décharge, nous ne faisons ainsi pas pire qu’aucune autre. Et comment dépasser des abstractions réelles qui s’imposent partout ? Mais nous restons aussi un des aspects de la gestion avisée de la peur. Nous en sommes donc nous aussi toujours au calcul de Hobbes. Des petits léviathans plus ou moins douillets. Où prospère le pouvoir charismatique ou affectif, traduction chatoyante et vivante des puissances sociales, avec les meilleures raisons du monde.
On peut ainsi supposer pourquoi et à quel point les idéologies et pratiques familiales ou compassionnelles, étroites, larges ou à vocation universelle, entretiennent l’impasse sur la mise en question des principes et des causes des violences sociales, invisibilisent ou subjectivisent leur production en interne, pour s’ériger en indispensables lieux des moindres maux placés à tous les carrefours, stations service de la survie – pour celles qui ont des monnaies, évidemment à échanger. Mais ça, çavasandire ; qui n’échange aucune valeur n’a nulle légitimité à l’existence. L’étrangeté même est alors un prétexte : la possession des valeurs requises fait d’emblée la sœur, comme en général la propriété la citoyenne. Et inversement. C’est naturel. C’est le fondement de l’idée de justice pour tout dire. Et puis tout bonnement hein on va tout de même pas se faire iech’ ni jouer à la perte. Notre rêve est celui de cette société : gagnantes-gagnantes, poursuite du bonheur, et poubelle insonore pour qui fait chuter le taux de profit. Nous sommes constituées de cet émotionnel évaluateur qui fonde le social depuis fort longtemps, préformate, préremplit solidarités et communautés ; et nous ne pouvons que le reproduire spontanément autant que délibérément à toutes échelles, à moins de remettre en cause ressenti et idéaux.