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29 janvier 2018 1 29 /01 /janvier /2018 13:21

 

 

 

Suite et suite. Le feuilleton continue. Les terfes, tradfems et compagnie, dont le rameau central de pensée et de présentation d’icelle semble actuellement plutôt importé des states, dans une approche relativement simpliste qui joue, dans la tradition politique, sur des affirmations sommaires, émotionnalisées, sont assez spectaculaires et quelque part un peu anecdotiques sur la carte des féminismes contemporains. N’empêche, toute proposition est signifiante, à examiner. Ce qui est déjà je trouve fort déprimant avec ces fixistes quelque peu obsessionnelles, c'est que la « vieille » critique du rapport social de sexe, et donc du sexe/genre comme rapport social, que d'ailleurs elles utilisent fort mal et avec plein de raccourcis, s'en retrouve une fois de plus renvoyée à je ne sais quelles calendes et ringardisée, alors qu'elle nous serait pourtant d'une fière aide afin précisément d’accompagner une sortie des starting blocks... Quand par exemple des phrases de Mathieu, dont je suis avec bien d'autres une héritière, sont sorties de leur contexte et réduites, mutilées en simple hargne instrumentale transmisogyne, ça s’enlise dans le simplisme, la confusion, la décomplexion et un certain anti-intellectualisme – bref ça glisse aussi, paradoxalement, vers les formes structurellement masculines du social ; comme on se retrouve ! Encore quelque chose pour lequel on ne remerciera pas les tradfem, aussi limitée que puisse paraître leur coalition. Mais pareil, elles mêmes en sont à ne plus très bien savoir où elles en sont, à force de chercher à « utiliser » des argumentations et des logiques qui se contredisent.

 

Alors qu'elles se réclament, à juste titre selon moi, de la réalité du rapport social de sexe, et des problèmes que ça pose, elles défendent systématiquement des positions qui mènent à son ontologisation et, par là même, à sa perpétuation ; tentent de s'allier avec la « majorité silencieuse » fonctionnellement antiféministe, féminicide et essentialiste (où on doit bien rigoler en voyant les contorsions des unes qu’elles méprise tout autant que les autres). Tout ça parce que ce qui les empêche de dormir, finalement, ce ne sont pas les hommes, pas la masculinité dont elles espèrent toujours obtenir quelque concession, ce sont les transses. Les illégitimes dont le droit fort souffreteux à l'existence est supposé anéantir celui tout aussi peu effectif des femmes cisses, ce qu’on peut appeler une absurdité in se. Dans un article récent, elles nous resservent une approche totalement dualisante et biologisante où le genre/sexe social est réduit à une illusion sociale de surface que l'on va dissiper sans même changer les principe généraux dudit social, cool raoule ! mais surtout, savez vous ce qui les effraie dans les traitements hormonaux, qui certes ne sont pas bénins ? les risques de cancer, d'avc, etc ? naaaaan, vous n'y êtes pas ; le risque c'est la... stérilité. Vous avez bien lu. Et en plus ça semble particulièrement concerner dans leurs têtes les personnes nées nanas. Trop classe, quand on sait combien le natalisme et tout l'ordre relationnel qui va avec sont super porteurs d'émancipation pour les femmes !!! Cet exemple in extenso, pour montrer à quel point l’obnubilation fait déraper la pensée. Au fond, les terfes sont tellement épouvantées par le glissement dans le sexe qui croît (même si effectivement le rapport de sexe n'est pas remis en cause profondément), qu'elles sont prêtes à soutenir tous les conservatismes, jusques à des positions antiféministes incluses, pour se donner un espoir d'éradiquer le phénomène ! Elles n’hésitent d’ailleurs plus tellement à s’appuyer sur des approches d’hommes peu susceptibles de proféminisme, uniquement parce que ça renforce le paroli transmiso. Il faudra en parler plus longuement de cet opportunisme instrumental, superficiel, assez suicidaire, qui se retrouve à présent dans toutes les options féministes ou peu s’en faut : contre les ennemies de l’intérieur n’importe quel allié extérieur compte, à commencer par les mascus… La bonne vieille politique du « tout et n'importe quoi mais pas ça », qui a donné de si remarquables résultats dans le passé... la pensée utilitaire a même dissous les velléités de déterminer le rapport sociale et « l’ennemi principal » en termes d’éléments sociaux. Cet ennemi est devenu l’allié principal… bref, entre le rapport social qui redevient un simple « fait biologique », et autres têtes à queue, toute la structure de leur discours de « vérités » figées, ces énonciations à vocations éternelles chères au conservatisme,  revient à celle d’un discours structurellement de droite. Les terfes sapent tranquillement leur propre base, et se sont déjà faites bouffer la tête. Elles espèrent plus de meclande que de transselande. On a du mal à plaindre leur extrême ridicule en cette affaire.

 

Finalement, les terfes, comme à l'autre extrémité du spectre transselande et queerlande subjectivistes, conservent la ferme croyance que les formes sociales "de base", sous forme d’identités, seraient ontologiques, n'auraient de raison qu'en elles-mêmes, échapperaient à la production et au passage informateur par le rapport social de sexe, lequel ne ferait alors que les "traiter", quand ce n’est pas les « déformer » (!) ; bref seraient "neutres". Je tiens pour moi la thèse que toutes ces formes et rapports "fondamentaux" se sont crées au contraire dans ce cadre, pour lui servir de structure de reproduction. Il n'y a donc aucun recours possible ou en tout cas pertinent à ces "originellités", rien en tout cas qui puisse nous permettre de transformer le sexué social. Nous sommes obligées de nous déterminer dans ce monde binaire et hiérarchisé, et donc, pour le potentiellement percer, d'aller vers son négatif actuel, l'assigné féminin. Mais il le faut faire conséquemment, matérialistement, et ne pas espérer en garder un morceau, qui ne saurait être inoffensif. Bref, l'alignement du positif sur les acquis de l'assigné masculin promu référent "humain", est dans cette optique une impasse qui promet l'achèvement du désastre. Devenir des mecs, idéaux et parfaits de surcroît, ou même « un peu beaucoup », n’est en rien une possibilité de sortie de l’état de fait et du rapport social de sexe, lequel est au contraire axé sur cette convergence ! Ça fait juste dresser les cheveux sur la tête. Un monde égalitaire, dépouvoiré, désapproprié, ne peut se réaliser par la concentration mortifère dans les formes du pouvoir, de la concurrence, de l'appropriation. Nous avons toutes, depuis des positions différentes, à lâcher ce cordon !

 

Les terfes ont donc des fois raison, mais c’est en bonne partie contre elles-mêmes. Je trouve assez pertinente, dans le principe, leur critique de l’inclusivisme, du règne du pseudopode, de l’appropriation, du « droit à relationner » et de ses schémas comportementaux et affectifs qui véhiculent les structures du rapport de sexuation et de la masculinité – mais alors il s’agit de les remettre en cause, globalement, pas simplement d’en bâter les transses, lesquelles sommes bien s^pur dans une position spécifique à cet égard, histoire d’évacuer la question en tant, justement, que question. Sociale. Certes on a du mal à cisailler son rapport à un ordre social général dont on a rêvé toute sa vie de profiter. Mais c’est à toutes qu’il revient de le remettre en question et de ne pas s’y accrocher ou référer. Un des points de mise en cause est l’a priori de la règle de la sexosocialsation, l’accès aux gentes comme principe de civilisation (amour, toussa…). Sexualisé ou non d’ailleurs. Hé bien je pense qu’il faut critiquer et même mettre en veilleuse rapidement ce mode de socialisation, qui passe par la légitimité, l’affectif, l’utilitaire, que sais-je encore, et que je pense un mode d’appropriation structuré par le référent masculin et empouvoiré de rapport à autrui. Je souligne que ce n’est pas pasqu’on est une nana, même cisse, qu’on ne représente par je ne sais quelle vertu suprasociale aucun danger pour une autre nana, que ce soit du fait des rapports sociaux inégalitaires, ou du fait de cet a priori d’accès et d’appropriation qui joue d’autant plus que les féminismes ont renoncé depuis trop longtemps à ne pas se limiter à une tentative d’alignement sur un mode de socialisation idéal qui serait « toutes des mecs » - vu le résultat que donne déjà la société patriarcale, on devrait plutôt s’en méfier et vivisecter ces incontestables références spontanéistes, relationnistes, citoyennes ou spirituelles qui ont plutôt l’air de déterminer un mode d’entrextermination. Et donc, je suis tout à fait d’accord que, transses, nous devons sérieusement aussi en rabattre sur cet a priori que nous manions des fois avec une innocence un peu feinte. Ben non, être nana ce n’est pas avoir une vie où on a accès aux autres et où on se les approprie, c’est exactement l’inverse. Et ce n’est pas pasque nous avons transitionné et dégringolé quelques échelons principaux que « c’est arrivé », la déconstruction reste à faire. Enfin, mais je me suis déjà beaucoup exprimé là-dessus, je ne crois qu’assez peu, très partiellement, à une « classe de nanas », unique et convergente, et encore moins que nous y appartenons d’emblée ; nous sommes une nouvelle classe de sexe et sociale ; pas d’unité a priori donc non plus.

 

Enfin, les terfes craignent que notre apparition donne un coup de jeune au rapport social de sexuation en son état. Ba, là tout bonnement je ne sais pas, mais encore une fois je le crois fort douteux. Rien n’est écrit. Dans les détails actuels peut-être, mais dans le principe d’une remise en cause de ce qui fait la masculinité, hé bien ça semble plutôt lui porter un coup de jarnac. Et je rappelle que les terfes, elles-, dans leur immense majorité, comme d’ailleurs la plus grande partie du féminisme présent, en sont à tel point de fatalisme qu’elle n’envisagent absolument plus une possible disparition du dualisme masculinocentré, au mieux son aménagement, ni celui des formes (amour, sexualité, toussa toussa) qui vont avec. Bref, venir nous chercher là-dessus quand on n’ose plus soi même avoir un avis qui rompe vraiment en visière sur la question, c’est encore une fois et du foutage de g… et de la facilité aidée par la hiérarchisation légitimitaire. Sûre que ça coûte moins cher de s’en prendre au transses qu’à la classe des hommes, et qu’on se garde ainsi bien mieux d’arrières pour négocier…

 

 

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Encore une fois, et je ne cesserai d’en causer que quand elles mêmes manifesteront un peu de jugeotte, ce qui m’agace, et le mot est faible, le plus avec la bande à terfes, c’est qu’elle se révèlent avec leur simplisme outrancier et totalement acritique comme parmi les démolisseuses et discréditrices de la pensée féministe « vieille-matérialiste », celle qui travaille sur la critique de fond du rapport social de sexe. J’ai hélas l’expérience que la sincérité bêtasse arrive à faire ce que les entreprises les plus machiavéliques ne parviendraient pas à imaginer. Bref là où les néo-mascus en tous genres et autres subjectivistes libérales rament, elles galopent et laissent le domaine à peu près dans l’état d’un jardin visité par des rats musqués. Bon, on peut dire en même temps qu’elles sont anecdotiques ; sans doute, mais hélas il faut bien par ailleurs admettre que les féminismes un peu travaillées et poussés sont tous anecdotiques, ultra minoritaires, et donc que les dégâts doivent aussi se mesurer au relatif. N’empêche, elles appellent tout uniment à notre extermination, de fait. Ce qu’il y a de pertinent dans ce qu’elles essaient de mobiliser, que le sexe est rapport et fonction sociale, et la critique du subjectivisme, est noyé dans un mélange instrumental de haine obsessionnelle, incroyablement bigleux (comme si nous étions the danger féminicide, ce qui vu le tableau actuel serait risible si ce n’était horrible) et d’illogisme crasse (sautiller du social au biologique en ontologisant les deux, et sans analyser un moment ce que leur usage suppose comme conséquence). Bref essayer d’user surtout d’arguments qui servent avec bonheur aux antiféministes revendiqués. Cool. Cela dit, et indépendamment du fait d’examiner les questions posées, je pense un peu vain de s’obnubiler sur les terfes au-delà de ce qu’elles constituent, de même qu’il leur est vain de s’obnubiler sur nous. Elles sont encore plus minoritaires, encore moins représentatives que tout ce que nous pouvons être, et nous n’avons pas de temps ni d’énergie à perdre sur elles en tant que groupe politique. La haine transmisogyne, au reste, ne les a pas attendues et s’en fiche comme de son avant dernière culotte. Ce sont elles qui courent après, et comme je l’ai déjà fait remarquer ailleurs après nous aussi, qui sommes bien plus en avant qu’elles ; ne reproduisons pas leur myopie ; si elles se déterminent par rapport à nozigues, ne nous déterminons pas par rapport à leur conciliabule.

 

 

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Ce qui ne veut pas dire que notre position en soit déproblématisée. Nenni. Je reste éberluée que nous continuions à contreposer notre catéchisme essentialiste de « on a toujours été » à celui qui ne l'est pas moins de « tu seras toujours », les deux aussi en pack « éternit » et ontologisant l’un que l’autre. Et que nous nous étonnions que ça ne nous rapporte pas vraiment de surenchérir dans le fixisme (genre, à jouer aux fixistes avec des fixistes, on finit toujours par perdre). Sans même parler du « grand récit » pour nous fonder dans un passé mythifié et souvent exotisé au passage. Comme quoi nous ne serions pas apparues, pas historiquement situables. Et ce faisant à contribuer nous aussi à bloquer toute réflexion sur le rapport social et ses évolutions, ses pourquoi comment, bref là encore finalement à abonder dans la même logique figée, immobile, que les terfes. Conséquence d'une pensée qui ne peut croire à la réalité des choses qu'absolue et éternelle, certifiée par la transcendance, par une surréalité qui informerait sans cesse nos basses contingences. Nos discours, nos grilles de lecture, se figent de plus en plus (et il faut bien dire qu’on s’était peu aventurées au-delà mais quand même) d’un mélange froid, objectivant, de subjectivisme et même de biologisme qui rentre par la fenêtre. Incroyable à quel point nous sommes intellectuellement conservatrices et frileuses, à quel point nous nous tenons sur des piliers culturels, épistémologiques, favoris de cette même société qui nous rejette et nous rabaisse grâce à ces moyens précis. Et à quel point nous jouons ainsi perdantes pour des raisons que j’espère superflu de trop expliciter (?!). On ne peut pas s’appuyer sur ce qui nie foncièrement notre possibilité.

C’est incroyable à quel point nous convergeons méthodologiquement avec nos ennemies et surtout concurrentes dans un refus a priori qu'il se passe quoi que ce soit dans le rapport social de sexe, et que ce soit social et collectif, pas individuel et subjectif. Nous sommes tellement délimitées par la lutte de légitimisme et les conditions qui lui ont été mises par la société masculine, essentialiste et idéaliste qu’il n’y a pas moyen, ni pour les unes ni pour les autres, de venir un peu sur le fond de l’affaire d’une part, de prendre en compte d'autre part ce qui se passe, et non l’image de ce qui devrait ou aurait toujours du se passer. De poser la thèse certes a priori moins confortable mais aussi moins exterminatrice que nous sommes réellement conséquences de situations sociales différentes, et qu’il n’y a aucune vérité supérieure qui nous rassemble – mais que donc nous sommes toutes réelles, ici et maintenant, avec nos tenants et nos aboutissants.

 

Or, être réelles a si j’ose dire un coût et suppose un engagement de reconnaissance. Maintenir la fiction vaguement spiritualiste et tout à fait essentialiste selon laquelle nous aurions toujours été transses, que ce soit collectivement ou individuellement, que nous n’aurions jamais « vraiment » été des hommes, fonctionnellement et en formation, relève du bouclier gaulois. Nous ne serons jamais protégées de toute façon des conséquences de l’état du social par des sophismes ou des a priori qui reprennent les structures énonciatrices, explicatives, de ce social même. À un moment il faut admettre que le réel est ce qui se passe, inclus que ce qui se passe a à être explicité et compris. Qu’il se passe quelque chose, de général, de massif, dans la sexuation, dont nous sommes la conséquence. En finir aussi avec la piteuse tentative elle aussi antimatérialiste de séparer sexe et genre, le premier « biologique » et « objectif », le second « ressenti » - le sexe a plutôt tout l’air d’une monade sociale, d’une fonction, le sexe sert et ne sert qu’à ordonner le social selon un rapport de hiérarchie et d’assignation. Rester dans le déni du changement à ce sujet nous coince encore une fois dans la même logique qui sert à nous délégitimer, celle du nécessaire « toujours déjà ». Reconnaître donc qu’il se passe des choses dans le social, dans les vies, à travers elles, mais que tout se qui s’y est passé a été, autant qu’il est, réel, avec des conséquences, bref que nous avons été des hommes, socialement, fonctionnellement, même si souvent pas à l’aise avec le choc de la sexuation dès assez tôt, et qu’il en reste des morceaux, que ça ne se dissout pas par le désir et la bonne volonté, encore moins par une affirmation à vocation rétroactive – transse, encore une fois, est un apprentissage, à vie, de l’illégitimité, une remise en cause en actes du tropisme du pouvoir et de la masculinité. Encore une fois ce n’est pas là une affaire morale, intentionnaliste ou individuelle, encore moins donc essentielle ; cela touche à des convergences sociales que les terfes elles-mêmes ont grandement renoncé à remettre en question, avec l’idéologie assez généralisée et incroyablement naïve de la réappropriation des formes supposées neutres du social, qui sont celles de la domination, et qui seront reproduites par cela même. La question est donc générale. Enfin, au passage, un autre minimum serait de rompre les unes comme les autres avec les idéologies littéralement complotistes selon lesquelles les changements sociaux, ou le conservatisme, seraient la conséquence de volontés individualisables, délibérées, autonomes, voire carrément secrètes, suivant des plans aussi tortueux que cocassement irrationnels, manière classique de ne pas penser l’automatisme, l’irrationnalité et les conséquences des objectifs sociaux incritiqués en tant que tels.

Le social nous crée, nous détermine, avec ses contradictions et ses évolutions, et non pas l’inverse. C’est finalement en prenant le plus les terfes au mot (et au sens, le sexe comme rapport social) que nous pouvons le mieux démontrer l’inanité de leurs aigreurs fixistes. Nous sommes toutes réelles, temporelles, modifiables, dans un contexte social donné et déterminé qui évolue, sans arrière plan absolu d’aucune sorte.

 

 

À l’autre extrémité des choses, mais quelque part dans une logique des fois inquiétamment convergente, il y a donc une normativité essentialiste transse, où l’on pense se protéger par des affirmations un peu à l’emporte pièce, et accessoirement ou on estime qu’on nous doit ce qui est au menu idéalisé de la « communauté humaine » du sujet de l’économie relationnelle et politique, inclusivité affection bisounourserie complicité ; ba ce n’est pas que le confort ça soit mal, pas du tout ; sauf que des fois il faut réfléchir et au social systémique, et aux implications de ce confort. Si c’est pour perpétuer un confort de type masculin, hé bien je pense qu’il y maldonne, grave (pasqu’en plus, hors de toute question morale ou politique, on l’aura pas, alors autant se mettre au jus le plus vite possible). Il faut quand même bien se dire qu’on n’a pas signé pour la facilité, déjà parce que le féminin c’est, dans le monde tel qu’il est, la difficulté, le manque. Qu’on n’a pas transitionné pour du positif et de l’inclusion mais pour du négatif et du départ, liés intrinsèquement à l’assigné féminin, et qu’il nous faut sérieusement piocher ça. Qu’on ne nous marche pas dessus, que nous puissions vivre et socialiser, c’est une chose, mais nous n’avons pas plus que n’importe qui, et surtout les nanas en général, à réclamer une espèce de droit sur quiconque – la société masculioncentrée est entre autre bâtie sur l’appropriation, sous toutes les formes de « l’affectif » et de la reconnaissance légitimitaire. De même, la volonté ou le désir de légitimité universelle ou symétrisante est un trope typiquement dominant et masculin. D’où le problème de la « pan » ité. Ben non, on ne peut pas être ou faire tout à la fois, et il y a des tas de choses déjà existantes qu’on ne sera jamais – encore une fois, il nous faut avaler d’être un groupe et un rapport nouveaux dans le social de sexe. Nous ne rejoignons pas une « patrie » qui nous attendrait depuis toujours (d’ailleurs, vu comme on y est accueillies, je veux pas dire mais de toute façon il y a maldonne ; et privilégions notre survie). Nous ne sommes ni collectivement, ni individuellement, la queue d’un passé « toujours déjà existant » qui achève de sortir de son trou, nous sommes un présent qui se déploie, un avenir qui prend forme. Et en laisse aussi. En questionne pas mal. Transse, c’est la pratique et l’apprentissage, la réalisation permanente et actuellement sans guère de limite d’une illégitimité féminine radicale : nous ne sommes même pas des femmes cisses, ce qui socialement relève de la malédiction. Pourquoi comment, c’est une chose encore à éclaircir, et qui ne s’éclaircira que par le fait. Mais nous sommes là et manifestons quelque chose de nouveau dans la sexuation.


 

Les terfes n’ont donc pas tort de dénoncer, fut-ce un peu par la bande comme c’est malheureusement le cas,  l’idéologie « fondatrice » de la socialité fatale par l’accès a priori aux autres, aux espaces, les mixités inclusives, etc. Mais elles ont tort de ne les dénoncer que pour les unes, pensant que les autres seraient exonérées essentiellement des conséquences de ces formes. Nous aurions tout intérêt à frayer une voie de sortie de ces normes enjointes, au lieu d’essayer de les intégrer ; autant elles jurent dans les thèses des radfem’ et d’un féminisme qui finalement n’arrive toujours pas à se dire que ce sont nos idéaux et désirs convergents qu’il faudrait étenidre vu leurs conséquences, autant nouzautes transses, étant tout au bout de ce chapelet, pourrions et devrions aider à en casser la ficelle réputée inusable et autoreproductice ! Sauf que, sauf, que, elles feraient déjà bien de se regarder elles-mêmes, pasque cette idéologie relationniste, productrice de valeur par la relation, n’a jamais été sérieusement mise en cause par leur parti, pas même par les cislesb’s. Non plus que l’universalisme marchand et propriétaire. La norme c’est toujours l’accès à autrui, j’te bouffe, et la privation des biens. Et les diverses « sexualité » ne sont qu’une duplication de l’hétéronorme, souvent jusques dans les détails de la fascination pour le rapport de pouvoir, l’appropriation d’autrui, etc. Donc zébi, les terfes. Lisez donc Solanas, qui elle au moins avait posé la question ! Oui, il nous faut des séparatismes – mais des séparatismes systémiques, qui modifient le rapport social de toutes à toutes. Les séparatismes, j’y reviendrai, ne servent pas à grand’chose si on y reproduit les mêmes formes sacrées, désir et injonctions sociales ! Au lieu de vous obnubiler sur les transses, vous devriez déjà bien regarder comment ça se passe à cislande.

 

Il serait sans doute temps, de manière générale, d’arrêter de nourrir ce désir et ce rêve de structurel finalement majoritaire et masculin qui devrait se livrer, se distribuer à toutes, faire le bonheur (notion elle-même éminemment suspecte) d’une humanité softement masculinée. Les avantages sans les inconvénients, vielle blague de l’économie politique. Et pasque de toute façon ce sera pas le cas, et pasque si c’est le cas ça sera tout autant et plus le désastre ; et que si on prétend que « les choses » changent hé bien il ne faut pas commencer, ni même finir, par essayer de prendre leur train en marche et des se les récupérer. Nous refusons par exemple de comprendre, les unes comme les autres je souligne, que le monde de la reconnaissance et de la valorisation, comme conditions d’existence, est nécessairement le monde du mépris, de la honte et de la violence hiérarchisées – et qu’il faut nous arracher aux unes pour nous arracher aux autres, dans notre fonctionnement même. Nous représentons et portons un potentiel, mais seulement potentiel, danger, les unes et les autres, dans la mesure exacte où nous entendons ou non reproduire les objectifs sociaux du rapport de sexe et du monde de l’appropriation, relationnelle et sociale, bref les unes comme les autres. Il nous faut bien nous mettre ça devant les yeux et ne plus les en détourner tant que nous n’aurons pas réussi à déconstruire et à dissoudre ces objectifs sociaux et leur « naturalité » évidentiste. Un monde valorisé, fonctionnellement masculin, un monde socialement de mecs quoi, quelles que soient les identités mises en œuvre, et que ce soit par appropriation ou par refus de se défaire de, selon d’où on vient, hé bien ce ne doit pas être notre but. Ça doit au contraire être ce que nous désertons, fuions, démolissons. Nous vous prenons au mot : pas de magie identiste – hé bien tirez en aussi les conséquences : pas de réappropriation innocente des structures dominantes. Et ça inclut beaucoup d’évidences a priori, de désirs sociaux, que les féminismes qui se sont succédés, qui s’affrontent aujourd’hui, n’ont pas plus les uns que les autres bien su ou voulu analyser, identifier et remettre en cause. Bref, une fois de plus, revenir sur ce que la plupart des féminismes actuellement en vigueur ont évacué : la perspective d’un fonctionnement, de buts qui ne soient pas ceux de l’économie politique et relationnelle, et la soutenance de la thèse que maintenir les mêmes buts, même prétendument « pour toutes » (ce qui est un non sens avec des objectifs qui impliquent évaluation et élimination), produira et reproduira le même monde et les mêmes fonctions. Il faut que les terfes admettent, autant que nous, que la critique de la subjectivisation des rapports sociaux, des buts qu’ils supposent, de leur idéologisation et de leur neutralisation, les concerne, et plus souvent qu’elles le croient sur des points similaires à leurs adversaires.

 

Faut cela dit pas rêver, une fois passé le guichet apparent des alliances opportunistes, notre illégitimité est la même pour les différentes options féministes, toutes aussi cislégitimitaires les unes que les autres. Nan mais c’est important de le rappeler, déjà pour éviter quelques mésaventures, fréquentes dans les milieux dits « inclusif » où en réalité, au mieux, on nous instrumentalise, et aussi pour arriver à mettre en question, comme je l’ai déjà dit ailleurs, la fatalité d’une unité féministe et féminine. Ben non, rapports sociaux obligent, il y a une convergence misogyne et féminicide, çà c’est clair, mais cela ne suffit pas à gommer les autres rapports – même si ça pourrait quand même bien éliminer massivement l’assigné féminin dans un monde qui se resserre, en mal de valorisation, sur les assignés masculins.

 

 

Je suis plus que jamais pour des séparatismes conséquentiels en fonction des rapports et des situations sociales, pour dire que nous n’avons dans cette perspective rien à faire avec les cisses ni les cisses avec nous. Et à travers cela pour la remise en cause de la convergence évoquée plus haut vers la reproduction du monde actuel. Mais surtout qu’être conséquentes, et cela vaut plus ou moins pour toutes, c’est remettre en question les structures invariablement poursuivies et désirées qui nous mobilisent et nous minent toutes, la relation sacrée, l’appropriation, la vie conditionnée par la reconnaissance et la valorisation ; bref rappeler que le séparatisme n’a de sens que si les buts sociaux sont mis en question, et séparément aussi au besoin. Que se séparer, c’est aussi se séparer du sujet de la relation et de l’économie, indécrottablement masculinotrope. Il est quoi qu’il en soit moins que jamais je pense question de converger, puisque précisément ce vers quoi nous convergeons, et peut-être la logique même de convergence vers un point idéal objectivé et universalisé, posent question pour ne pas dire problème. Nous ne sommes donc pas forcément parallèles aux cisses, et vraisemblablement au contraire perpendiculaires, de par nos trajectoires, de par aussi la possible remise en cause des buts. La question ne porte pas tant que ça sur l’identité, ou sur une compilation d’expériences, que sur les objectifs sociaux « neutres et évidents ». Mener par conséquent une critique en actes et en théorie de notre sujet idéal, désiré et libéral convergent. De ce sujet sur l’appropriation duquel nous sommes en train de nous étriper, alors que c’est lui qui nous formate, nous soumet et nous instrumentalise.

 

Quelque part, les terfes se sont fichues, se sont retrouvées mises et se sont mises elles-mêmes dans une position à peu près aussi pathétique et en impasse que nous – sans que cela évidemment nous symétrise. Leur désir minoritaire de reconnaissance, d’universalisation, de normalisation bute d’une manière similaire sur l’évidence du pouvoir de masse hétér@cis majoritaire, qui rigole – « on sait bien que les transses sont des travelos, pas besoin de venir nous l’apprendre avec un l’air d’avoir découvert la poudre – et on sait bien aussi que vous êtes des hystériques ». Et paf. Les terfes n’arrivent pas plus que nous à penser en termes de structures sociales, elles sont tout autant coincées dans le paradigme de l’identité subjective originelle, et s’étonnent que, minoritaires, ça ne marche pas pour intégrer, s’approprier des formes qui sont et restent celles du patriarcat valorisateur. Ça n’en fait bien sûr pas des copines pour autant. C’est aussi la leçon de la réalité des rapports sociaux, on ne les transcende pas « comme ça », et on ne se retrouve pas « ensemble » par défaut plus que par positivité. On ne fait non plus ce qu’on veut des formes sociales en fonction de son identité supposée originelle, mais que c’est plutôt l’inverse, là aussi on les prend au mot, qu’elle s’appliquent leur propre schéma. Enfin que la contestation concurrentielle et non critique, « ôte toi de là que je m’y mette », revient toujours à une surenchère de continuation et de normalité. Réfléchir sur cette approche en échec pourrait nous lester un peu la caboche, aux unes comme aux autres.

 

Soyons conséquentes, nous faisons mieux de nous séparer, c’est à dire de valider le fossé qui nous sépare déjà de fait, et il se peut même bien que nous soyions opposées. Il est ne tous cas indispensable, à notre échelle et de nos positions, de casser la blague sororitaire qui a déjà servi à écrabouiller doublement, s’il était possible, tant de nanas au moyen d’autres, et brouillé les pistes de problématisation. Sorority kills, comme disait très justement Atkinson, une terfe qui a produit autrefois des textes lumineux et tranchés contre les injonctions unitaires et relationnistes, lesquels je recommande. Nous, transses, ne sommes pas des femmes cisses, et réciproquement d’ailleurs, ça peut paraître superflu de le dire mais je ne crois pas que ça le soit. S’il y a un assigné féminin dans le cadre du rapport social de sexuation, cela ne fait pas pour autant qu’il n’y ait qu’une modèle et une situation sociale que cela concerne. Et concernant la logique de la séparation, si je pense qu’elle doit effectivement se faire entre autres sur une ligne de scission cisses/transses, ce n’est pas ou pas d’abord en termes d’identités. Comme je l’ai écrit il y a déjà longtemps, je pense encore une fois qu’un séparatisme qui se limite à se scinder dans la poursuite et la réalisation des mêmes formes et idéales sociales perd toute pertinence et donne à peu de choses près les mêmes résultats que la concurrence unitariste à laquelle nous invite l’universalité hégémonique de ces formes. La séparation doit d’abord se faire avec les formes socialement imposées et consensualisées, bien plus que sur une morale tatillonne et toujours vouée à la transgression de ce qu’on se permettra ou pas à travers les frontières au nom des formes sacrées et supérieures incritiquées. Et c’est là que les différentes positions sociales apparaîtront et auront elles-mêmes pertinence, si nous cessons de converger fonctionnellement. Bref, nous devons prioritairement nous séparer d’avec les nous-mêmes que nous nous assignons ou laissons assigner, par désir ou facilité, et qui nous ramènent comme par la main au même.

Autant il est sans doute vain de vouloir réduire ad unam, universaliser, réclamer l’inclusion, autant il faut éviter de raconter n’importe quoi. Le niveau du débat a considérablement baissé ces dernières années. Ca ne nous sert pas, ça ne fait que nous mettre toujours plus à portée des crétins réacs et mascus.

Nous ne débloquerons rien à tenter de converger et de nous disputer les critères de légitimité, de valeur imposés précisément par le rapport social de sexuation masculinotrope. Nous n’avons aucune alliance à préconiser, il nous faut cesser de prioriser les formes sacrées à réaliser pour nous tourner vers les contenus et les méthodes qui sous-tendent ces formes, lesquel(les) nous enserrent et nous font reproduire indéfiniment le même monde. Nous devons penser autrement qu’en termes d’alliance ou de concurrence. Et pour cela remettre les buts en question. Et surtout ces formes idéales, ces mots qui sont censées introduire à ces buts, mais incarnent en fait leurs contradictions internes.

Nous sommes, les unes comme les autres d’ailleurs, mais là encore à des titres différents, la manifestation d’une négativité, d’une remise en cause, précisément de la remise en cause de la sexuation, qui a fait de ce qui est assigné féminin dans son cadre un négatif ; toute cette affaire constitue un complexe historique. Nous ne gagnerons rien à faire semblant de la positiver, de la transformer en affirmation qui plus est simpliste pour tenter de négocier après cette affirmation sur le marché de la valeur sociale. Tout cela est à vivisecter et à envoyer bouler, si nous le pouvons. Mais il nous faut alors nous en retirer, en retirer notre investissement, sans quoi c’est perdu, c’est nous qui irons à la poubelle, les transses d’abord, les terfes ensuite, ce qui reste, je le rappelle, une possibilité assez grave, vu comment les choses tournent, peut-être au féminicide généralisé, à l’extinction forcenée de ce négatif qui est possible échappée d’un positif clos, mesquin et horrible. Ne pas lui être instruments suppose ne se laisser aller à rien, et nous travailler nous-mêmes avec suite et sans complaisance. Il importe que la critique du social remplace les idéologies de la réalisation d’un soi supposé aproblématique. Être impitoyables intellectuellement envers nous-mêmes comme fonctions sociales est condition indispensable à cesser de nous persécuter moralement - ce toujours in fine au nom de raisons, de structures, qui nous excluent et anéantissent.

 

 

(on pourra relire, d'un point de vue moins critique et plus dynamique, http://lapetitemurene.over-blog.com/2017/06/phobes-alliees-quand-le-ressentiment-se-lache-un-peu-plus.html)

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17 janvier 2018 3 17 /01 /janvier /2018 15:54

 

 

Le droit, comme écrivait grosso modo Pasukanis, dont on ne lira jamais assez le bouquin toujours pas réédité depuis près d'une demi siècle sur la théorie générale d'icelui, le droit donc a pour raison fondatrice, jusque loin dans le onzième siècle par exemple (voir Berman), l'appropriation et toute sa structure de vérification et d'échange. Et bien sûr de défense. Il n'est donc pas étonnant qu'en période de crise peut-être finale, où le capital se concentre et se retire de la plupart des "comptes individuels" qui fondent et conditionnent notre survie sociale, hé bien la justice, l'administration du droit, fait de même, et se raidit, se brutalise. On ne reviendra pas ici sur la violence de la répression envers les atteintes à la propriété. Nan, plus foncièrement, c'est par son organisation même qu'elle "s'adapte", comme on dit, à cette "évolution". On a déjà causé du renforcement du pouvoir des procureures vis à vis de celui des juges ; et aussi, en ce moment même, de la suppression de cours d'appel. Bref de l'organisation de l'impossibilité croissante, pour les plus pauvres et les plus faibles, de "faire valoir leurs droits" (expression atrocement ironique puisque les droits sans moyens sont précisément inutilisables). Il s'agit désormais d'obtenir à toute remise en question dans l'effondrement et la raréfaction, la pénurie, une "réponse", généralement pénale, rapide, dure, et qu'on ne puisse finalement pas faire rejuger. Il s'agit de faire peur. Et même au delà, puisqu'on sait très bien que le cisaillement entre l'appauvrissement et les exigences toujours accrues de dépenses incompressibles, de mises à niveau "techniques", de "modernisation écologique" et on en passe, produira mécaniquement de la "mise hors jeu", comme disent les travailleures sociales ; de l'élimination. C'est ça qu'il faut anticiper. Et qu'on anticipe pour nous. Le droit, par son objet et sa structure même, est contre les pauvres, et le sera de plus en plus à mesure que le monde qu'il défend va se resserrer, évidemment sans permettre aucune échappée, si ce n'est la disparition.

 

On va donc bien voir, et prendre en pleine figure, ce qui accompagne le peu de « droits sociétaux » dont nous sommes si friandes ; dont nous pensons, exactement comem il y en a qui pensent que la démocratie apporte mécaniquement la richesse, l’abondance, l’égalité, que leur application va nous sortir de l’ornière illégitimitaire et de ce qu’elle a à voir avec un appauvrissement certes systémique, général, mais qui aime à prendre les prétextes les plus divers pour lui aussi s’appliquer, avec force, et notamment le fait que les transses étant méprisées, suscitant la moquerie et le dégoût, et zéro identification positive, y compris des fois entre collègues, ça tombe bien, ça en fait, ça tombe bien, d’autant moins à caser dans une sphère de valorisation de plus en plus étroite ; Quelque élites subalternes déléguées pour prendre des bâches et baffes publiquement et être un peu payées pour ça, peut-être encore quelques cadres dans les néo centrales de gestion des populations qui vont sans doute succéder à l’associatif trop gourmand et dispendieux, seront le faire valoir qui permettra de nous dire mè si, vous voyez, le mérite est citoyennement et économiquement récompensé, rentrez dans vos taudis les pas rentables, justice a été faite !

 

Les choses sont de plus en plus claires, limpides mêmes, cyniques : les gestionnaires appellent à qui mieux mieux à laisser tomber ce qui reste du « social », vous savez, le « cancer de l’assistanat », pas rentable, pour se consacrer au « régalien » - bref à la trique sur la gueule donc des pauvres, des pas consommables et des pas rentables qui éprouveraient une réticence à se laisser crever, qui oseraient vouloir porter la main sur les biens et  leur propriété, quoi, sur ce qu’il faut pour vivre, « inviolable et sacré » encore une fois, pas touche ! Et tout ce, avec la bénédiction du sujet social, même crevard, puisque le salut est dans la liberté, l’appropriation, l’initiative toussa toussa.

 

Bref la plupart d’entre nous seront encore plus défavorisées, et le mot est euphémique, par l’évolution du droit – comme d’ailleurs elles le seraient par une « alternative » idéaliste ou libertaire qui reprend les bases mêmes de ce droit (appropriation, initiative, affinité, individualité subjectiviste) en prétendant le dépasser (les « dépassements » depuis Hegel sont très majoritairement des surenchères de même ou carrément des retours en arrière, des applications encore plus rapides, brutes et hégémonique, automates, immédiates, des idéologies en vigueur dans le capitalisme). La bouille « sociétale » dudit droit, du reste de plus en plus réduite elle-même (en période de crise il faut donner des gages à la réaction majoritaire et ressentimenteuse) cache très mal sa raison principale d’être, qui est la protection de l’ordre économique et du dégagement de valeur, de plus en plus exigeant et meurtrier. Nous sommes donc bien coincées, comme d’ailleurs, mais à des titres et dans des positions fort inégales, toutes nos contemporaines, entre des murs qui convergent de plus en plus, et dont finalement nous faisons partie, étant dans une assez grande impossibilité de n’être pas les sujettes de cet ordre fonctionnel qui se crashe avec et sur nous, qui se sert même de nous comme de tapis humain pour « atterrir » comme disent certaines économistes. Nous ne pouvons, non plus que personne, moins que beaucoup d’autres, nous passer des structures de cette société, la valeur, le droit, et ne pouvons que nous lamenter de leur inévitable retrait et durcissement, mais celui-ci est conséquence de leur propre logique, bref il n’y a aucune instance, aucune issue déjà existante et en interne, à laquelle nous pourrions en appeler efficacement, ou que nous pourrions utiliser. Il nous faut survivre au jour le jour ; sans illusion ni espoir. Nous aurons (enfin les citoyennes reconnues de pays de vieille accumulation) des droits, mais de moins en moins utilisables et même des fois accessibles (la gratuité et l’égalité d’accès à la justice étaient déjà l’objet de blagues sous l’ancien régime) ; nous aurons de moins en moins de fric. De plus en plus d’obligations pénibles, légales et onéreuses.

 

Encore une fois, je crois qu’il n’y a déjà aucune garantie qu’on s’en sorte, aucune probabilité forte que nous, et bien d’autres, survivions au crash de l’économie politique. Il n’y a actuellement aucune perspective, ce qui se présente comme telles étant généralement des dualismes idéalistes et des régressions carabinées, bref ce qui nous a menées où nous en sommes. Le plus souvent iels servent d’outils à la concentration du capital pour désigner des illégitimes et non rentables à supprimer. Bref, je ne vois pour le moment d’option que de rentrer la tte dans épaules et de faire les tortues, collectivement si possible, en nous indexant sur la pauvreté et le manque, en cessant de nous échiner à nous intégrer dans une sphère de valorisation qui ne veut bien évidemment pas de nous et n’en a nul besoin. Ce qui suppose de consacrer notre attention non pas à ces merveilleuses citoyennetés de la diversité et de la relance redistributive, vous savez le magique « ruissellement », qui n’aura jamais lieu et que par conséquent nous n’intégrerons jamais ; mais à nous maintenant, ici, telle que nous sommes socialement et vivons, rase les murs, bricole, se démerde. Et commencer à revoir nos procédures de choix et d’exclusions, pour qu’elles n’entrent pas en résonance avec celles du social – en clair, envisager de se collectiviser avec des gentes qu’on n’aime pas forcément, qui en nous valorisent pas, et qui par ailleurs, ô surprise, se trouvant « hors de nos affinités », se trouveront sans doute surtout d’une autre classe sociale (en général aussi moins puissante, on aime plutôt les puissantes, on veut les coller…).

 

Nous sommes amenées à survivre dans des conditions dégradées, pourries, qui placent toujours plus haut la barre d’exigence de rentabilisation et de compétence. Nous ne devons à aucun prix tomber dans la confusion subjectiviste qui conduirait à tenter de se réapproprier, comme on dit, ces exigences et conditions, à les positiver, à y consentir en aucune manière, à commencer par le principe. Nous ne devons à aucune prix leur donner raison. Ni aux idéologies qui prétendent s’en servir, comme celles de la résilience, du profit supposé qu’on pourrait faire de la souffrance et de la coercition. Au contraire, il nous faut nous organiser pour faire baisser le niveau d’exigence, d’intensité, lesquelles ramènent toujours au tri et à l’élimination. Et que nous avons tendance à reproduire avec une naïveté plus ou moins intéressée, roublarde, dans nos milieux. Les choses, ces rapports sociaux substantivés, ne recèlent ni raison autre que celle de la force autodestructrice, ni échappée, ni possibilités. Elles sont claires, cyniques, affirmées, raison de plus de ne pas les faire nôtres, de ne pas nous faire elles.

 

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17 janvier 2018 3 17 /01 /janvier /2018 15:36

 

 

Je sais, aride, mal ficelé et répétitif, et il manque des tas d’entrées et d’échappées. Décevant quoi.  Il y a les fois avec et les fois sans. N’empêche, la question du primat proclamé du politique subjectiviste versus celui des rapports sociaux se pose de manière aigüe.

 

Phrase extraite d'un com' au sujet d'une démonstration de solidarité tépégée : « l'État et ses institutions s'entêtent continuellement à nier nos identités de genre car trop transgressives car trop subversives ». J’adore déjà le « s’entêtent », qui d’emblée pose, ontologise, personnalise la bébête, place sa mauvaise volonté anachronique à distance antipodique de notre lumineux nous, libéré, épanoui… Bon, je ne vais pas gloser ici sur ce qu'ont ou pas de vraiment autres les formes sociales auxquelles nous aspirons, qui ressemblent très souvent à celles qui font fureur à libérallande (plus ou moins) pour toutes, et à l’idéal de base du sujet de l’économie politique citoyenne ; j'en ai déjà parlé cent fois ailleurs. Mais ce qui pose question, c'est le discours actuel minoritaire sur le rôle supposé premier de la politique et de l'état, qui met totalement la question des rapports sociaux au rancard ; le social, où à mon avis prennent contenu, origine permanente, systémiquement, les idéologies de la légitimité et de la discrimination, qui détermine le politique et ses images, semble carrément ne plus exister pour mes petites camarades. Pareil pour les revendications associatives qui limitent implicitement la brutalisation en cours à l’action de l’état ; les rapports sociaux, racisme, misogynie, richesse, hop, gommés, ou bien attribués au dit état, et à lui tout seul. Nous le sujet n’y sommes pour rien, victimes au pire consentantes. Il y a tout un domaine social qu’on a décidé de ne plus aborder ni critiquer en lui-même. On en est presque à la phrase lapidaire de Tatcher : « There is no such thing as society ». Plus que des monades individuelles ou amalgamées structurées sur l’appropriation, éléments idéaux du capitalisme historique, sommes comptables d’intérêts dans la concurrence, et l'état, bon ou méchant. Le fait que la matraque majoritaire est tenue non pas simplement par une institution mais collectivement et activement par nos contemporaine, semble trop inquiétant à considérer. C’est vrai que ça rend la « solution » beaucoup plus complexe, voire que ça remet en cause le concept même de « solution », par élimination des affreux par exemple. Ou des pas rentables, symétriquement. Bref, on va pas interroger le sujet, nous quoi, trop coûteux ça. Le final de la pensée libérale. Comme ça au moins, on risque pas d'être des conséquences des rapports sociaux... Ni d’avoir à les penser et à les transformer ou abolir…

 

Que l’état puisse être produit et déterminé, dans son existence même et dans ses contorsions, par les rapports sociaux, voilà qui semble-t’il ne saurait être ; le voilà père et mère de nous toutes, point où convergent toutes les politiques subjectivistes (ce qui d’ailleurs est en grande partie un pléonasme). Il y a un certain dépit réticent à penser qu’il puisse être surtout l’expression, le bras armé des rapports sociaux, de leurs objectifs convergents et concurrents, contradictoires. Le bras armé d’exigences sociales reproduites, individualisées, que nous avons un peu du mal à poser en tant que telles… Autant que de penser que nous sommes, sujets inégalisés, la conséquence de ces objectifs et exigences.

Il est incontestable que les états, notamment les plus riches, actuellement, se renforcent, s’autoritarisent, se brutalisent, et déterminent leur législation dans le sens de la protection de, de pousser le plus loin possible le maintien de l’état des choses économiques qui se restreint et se crashe, à commencer par la propriété et la valorisation. Bref, à rendre l’évaluation et ses conséquences de plus en plus expéditives. Mais cela se fait aussi sous la pression automate du sujet social majoritaire, qui espère encore pouvoir profiter de ces normes et ces injonctions, et manifeste une peur haineuse de plus en plus concentrée vis à vis de tout ce qui est perçu comme un danger pour cette continuation désespérée, en fonction de laquelle ça ne l’embête pas du tout de mettre le monde à feu et à sang. L’état est la photocopie de ce sujet, lequel est nous. De manière générale, ce sujet est intégralement constitué par la nécessité pour survivre et encore plus pour prospérer de s’approprier le capital, lequel se concentre toujours plus et échappe à de plus en plus. Ça pose une atmosphère, mais aussi une chaîne de conséquences et d’exigences qui se bouffent.

L’état est principalement ce qu’ont voulu les théories consécutives à la totalisation économique du dix huitième : la projection de la « souveraineté populaire » - mais il faut voir que le sujet effectif de cette souveraineté injonctive se situe à la convergence de la concurrence pour la réalisation de son idéal, contient toutes ses contradictions et les conséquences de celles-ci. Ce qui est représenté, c’est le but collectif d’appropriation et de valorisation, lequel nous habite, certes, et avec les inégalités meurtrières qui en découlent. L’état manifeste et réalise grosso merdo ce que « veut » et ce qu’est le sujet social fonctionnel de l’économie politique, dans sa convergence concurrentielle – pas forcément par contre ce qu’il croit vouloir, ce que nous croyons vouloir, savoir, et qui présente des contradictions et conséquences que nous répugnons souvent à conscientiser.

Les gouvernements des pays riches, sans compter les autres, se brutalisent de plus en plus, d’une part à l’image du social qui se délite faute de moyens, d’autre part à la demande expresse de la « sanior pars » qui s’identifie volontiers à une idéologie saint-barthélémienne, mais là aussi n’en a pas l’exclusivité, puisque sur le fond ce sont les « nécessités », la « force des choses », bref l’injonction prêtée à ces « choses » que nous sommes là aussi, sujet de l’économie, de se continuer, perpétuer, envers et contre tout, qui déterminent ce raidissement sans autre perspective que l’élimination accrue de ce qui ne pourra ou ne sera pas autorisé à suivre.

 

Il y a, chez nous, dans les milieux on va dire à la louche souvent contestataires subjectivistes, à genrelande ou ailleurs, une fervente réticence à penser que le rapport social est pleinement la réalité de base, ce qui nous construit intégralement, que nos chers voisins majoritaires nous haïssent, méprisent, réellement, sans même qu’une instance supérieure personnalisable ne le leur ordonne, que c’est plutôt elleux qui lui prescrivent massivement cette attitude, qu’iels se passent très bien le mot, se fondent et se renforcent là dedans, et même quelque part y ont « raison », dans le sens où les objectifs sociaux idéaux qu’iels incarnent et défendent nous excluent effectivement. Enfin bref que le rapport social est tout à fait réel, autoreproduit, pas une illusion, un malentendu  ou une erreur entretenue – j’en ai déjà causé en parlant de la « pédagogie » et de cette «vérité transcendante » qui devrait dissoudre tous les rapports de ce type par magie, nous unifier dans une apothéose humaoiniste et citoyenne dont il serait pas mal de vivisecter un peu les présupposés, passablement éliminateurs eux mêmes. Que les choses soient claires, je ne parle de ce réel comme en parlent les gentes de droite et autres antimodernes pour le fonder en justification, la majorité silencieuse toussa toussa ; bien au contraire, j’en cause parce que je pense qu’il nous faut le dégommer ; mais je pense aussi que faire comme si nous n’étions pas décidément à la fois sujettes de, (re)productrices de, et par notre faiblesse également perpendiculaires à cet état de choses, quel que soit par ailleurs notre désir de nous y intégrer, n’aide pas à saisir la situation ni à nous organiser en fonction de.

 

Certes il y a toujours à prendre quand l’état se fait sociétalement « coulant », à l’argentine (où le social ne suit pas vraiment, on y tue par ailleurs de la transse quotidiennement) ou à la canadienne. Mais ô miracle négatif quand l’état est, pour x raisons, coulant, ça ne fait pas tout, la société reste cisse, le rapport social de sexe se maintient, enfin bref toute une foultitude de structures dont on voit alors que leur rapport avec l’état existe, peut même être très complexe, mais que leur existence ne dépend pas de la bonne volonté de cet état, lequel au contraire, comme gouvernement « représentatif », bref qui doit laisser sur le cou de ses administrées une certaine longueur de bride correspondant souvent à leurs penchants ressentimenteux et haineux envers les plus faibles afin de pouvoir leur imposer aux unes comme aux autres les mesures que réclame le crash de l’économie politique, lequel donc au contraire dépend pas mal du mouvement qui lui est imposé par ce foutu social, qui n’a rien de bisounours… Ce qui se voit très bien dans la déception qui clos l’illusion démocrate, laquelle voudrait que la démocratie, marchande, formelle, citoyenne, amène avec elle la richesse et l’égalité de fait, ce qui n’est bien entendu pas du tout le cas, ne l’a jamais d’ailleurs été, comme beaucoup ont pu s’en apercevoir. Jamais au grand jamais, cet état « coulant » ne la « coule » sur les règles et rapports économiques, ne peut remettre en cause leurs fondements propriétaires et valorisateurs, sur lesquels il est fondé. En somme, au mieux et transitoirement ce dont on connaît déjà bien le format et les conséquences, d’éventuels droits de statut, mais sans moyens qui permettraient d’y accéder égalitairement, et dans un rapport social qui s’appauvrit, se brutalise de toute façon.

 

Au reste nous ne sommes nous mêmes pas trop claires avec cet idéal économico-citoyen, dont nous pensons pouvoir utiliser ce qui nous semble aller dans notre sens sans engagement ni compromission, comme le « choix individuel » (et supposé calculé sur les « intérêts », cette naturalisation en portion de l’objectif social), l’idéal d’intensité, toussa toussa. Les options ennemies convergent joyeusement

On croit volontiers pouvoir utiliser les « unités fondamentales » supposées neutre, et qui bien souvent se superposent, se résument les unes les autres ; et on s’en retrouve semblablement structurées et utilisées.

Enfin nous bloquons sur les institutions, sans voir à quel point nos contestations sont elles mêmes institutionnalisées, formatées et canalisées sur les structures sociales de base mêmes que les dites institutions gèrent et exploitent. Bref nous ne demandons que de reprendre le flambeau.

L’unité sociale supposée, opposée à l’adversaire hétéronome, est une vieille lune bourgeoise, qui a beaucoup servi déjà sous la révolution française à ne pas se poser de questions sur les questions sociales et de richesse, liées à cette sainte propriété de soi et des choses qui tente de cimenter les ordres divers depuis cette époque, en tant que nécessité première. L’importance fascinée donnée à l’état est une des multiples manières de sauver, par l’invisibilisation et la déproblématisation, cette convergence a priori qui évite d’interroger les objectifs considérés comme communs et leurs conséquences effectives.

 

Je ne crois évidemment pas au concept de société comme objet,  unifiant et portant des évidences profitables tel que l’utilisent les citoyennes–marchandes. Je parle de rapports sociaux. Il est patent que la « société », encore une fois comme prétendu « fait » normatif et performatif, c’est un fake aussi gros que celui de l’autonomie de état si on entend la prendre comme une unité essentielle, quelque chose qui irait dans un sens donné, sans contradictions dans ce sens même ; on cause de rapports sociaux, et de rapport sociaux qui nous déterminent. On ne cause pas d’un objet, de quelque chose qui serait « en plus de nous », ce nous supposé a priori. Encore moins d’un idéal « société », civile ou pas, qui résumerait, résoudrait, pacifierait les dits rapports sociaux (bref encore une fois leur ôterait leur réalité). Ce que nous appelons ici société est l’état général de ces rapports. Bref nous n’entendons pas à la solution simpliste « état » méchant mais à conquérir alors il sera bon (nous avons déjà fait le coup, comme celui de « l’humaine nouvelle » toujours humaine, toujours convergente sur la valorisation à réaliser), opposer pareillement une société en bloc, instance originelle et maternelle ou salvatrice. Un sociétalisme mou à la bérurier noir. Zéro. La société, comme le sujet, comme l’état qui n’est quand même pas rien, est une conséquence, qui tente, là oui avec obstination, de se reproduire et en même temps évolue ou involue. Bref nous n’invoquons pas « la société », comme un quelconque recours, comme d’autres invoquent positivement ou négativement l’état. C’est une question de base de méthodologie. Nous ne croyons en aucun objet duel, un, autre, qui soit là, préposé pour répondre à la problématique que nous constituons, ni au concept qu’il porte de solution, laquelle passe toujours par l’élimination de quelque couche sociale pour accéder à un paradis aux structures elles-mêmes jamais discutées, et qui sont celles d’une économie politique qui « marcherait » enfin. Sale et déjà vieille blague. Le fonctionnement social nous détermine, ce ne sont pas des subjectivités autonomes qui le structurent librement.

 

Nous ne nous rangeons donc pas aux côtés des socialisantes qui ont jusques à présent relevé pour la dénoncer la fameuse phrase, supposant par là que le dit fonctionnement social était rationnel convergeait vers une unité bienfaisante, était à même de supprimer les inégalités. Mais ce que voulait dire aussi Tatcher c’était, non seulement qu’il ne devait pas y avoir d’instance opposée au marché, mais encore que la notion de sujet de rapport social devait jarter devant celle de l’individue (auto) propriétaire, indépendant, responsable-comptable de la valorisation qu’iel porte ou non. Et là, il faut bien dire que les pensées contestataires ou libertaires ne répliquent foncièrement souvent pas grand’chose.

Bref, ce que nous entendons remettre en cause est la délégation de fétiche et de raccourci, d’origine d’un mal forcément hétéronomisé, que l’on a assigné à ce genre d’instance, état et politique en tête, évitant ainsi de questionner les formes qui structurent le sujet, collectivement, et que celui-ci reproduit, pareil, avec leurs conséquences. La république propriétaire et marchande est d’abord un mode social, une convergence de buts éliminatoires et un sujet dominant, lesquels produisent entre autres l’état qui leur sied.

 

Dans un cadre et un monde intégralement basés, structurés et arqueboutés jusques à la mort sur l'appropriation, qui plus est individuelle, impossible de faire entrer en ligne de compte les rapport sociaux qui nous déterminent. Comme par exemple la domination référente de l'assigné masculin, à la fois comme éléments de construction et comme groupes sociaux. D'où des contorsions invraisemblables pour essayer de quand même, un peu introduire des biais qui permettent d'atteindre dans un nombre limité de cas "le problème", mais sans jamais nommer celui ci, parce qu'anathème on romprait alors avec la sacro sainte "unicité individuelle de propriété" traduite dans la tout à fait formelle égalité citoyenne, qui cohabite si bien avec les inégalités de fait et les rapports de pouvoir les plus criants. Mais chut, en parler ça mène au goulag, vous savez bien... D’’où la fascination pour un « politique » qui primerait le social, l’entraînerait et le produirait, vision religieuse qui a pourtant été démolie par le vieux barbu il y a bien longtemps, ce vieux barbu trop compliqué, trop « esotérique », auquel mes petites camarades préfèrent ouvertement le barbichu, pragmatique, économiste et dans le sens du vent. D’une certaine manière, nous sommes bon public, d’autant que nous le sommes, et dans le même temps acteures, de nous-mêmes : nous croyons sur parole le politique quand il prétend maîtriser le social et même le produire.

Je conseille à ce sujet de lire le toujours très pertinent livre de Pasukanis, « La théorie général du droit », où le rôle de l’appropriation et de l’attribution de valeur comme structures qui nous coincent, indépendamment de nos volontés, est assez bien mise au jour. Le droit positif, qui fonde l’état moderne, est tout simplement l’organe logique de la gestion du profit, et ne peut que favoriser celles qui le portent contre celles qui ne le portent pas.

 

L’obsession et la réduction à la question de l’état est le marais où sont tombées les unes après les autres bien des tentatives de critique et d’initiative. La lassitude, la complexité de s’en prendre à un sujet qu’on est collectivement, finissent par inciter à se chercher un punching ball et une source de tous nos maux consensuelle, et surtout extérieure, hétérogène, dont nous ne puissions pas être soupçonnées de constituer l’élément moteur. Ça prend aussi les formes annexes de dénonciation de la bureaucratie, ou de l’institutionnel, mais finalement presque toujours sans se demander ce qui constitue, détermine ces formes, en les plaçant elles aussi à l’origine, délibérée et subjective, du social qui du coup est exonéré de les avoir engendrées, et foncièrement déproblématisé, absous. Le sujet de l’économie politique ne saurait être l’origine des conséquence de celle-ci quoi (ce qui évidemment est à replacer dans un circuit dialectique, mais quand même, quelque part l’infrastructure et la superstructure, désolée, mais je ne crois pas cette systématisation obsolète et insensée…). L’état, et bien d’autres choses, c’est nous, c’est la coagulation historique de notre passion forcenée pour le mode de socialisation par l’appropriation, des choses et des gentes, et ce n’est pas par hasard si l’état est né et s’est développé précisément sur le boom de ce mode, devenu avec sa grande sœur la valorisation l’alpha et l’oméga de toute organisation. Et ce n’est pas par hasard non plus sans doute si notre fascination acritique pour une forme « pouvoir » supposée « neutre », outil, à dispo, qui est en fait la réunion fonctionnelle des deux, nous mène, à travers toutes nos souffrances et récriminations, à vouloir nous la réapproprier. Et à renouveler ses conséquences qui sont entre autres la légitimité et l’élimination. Mais nous n’aimons pas trop penser à ces possibles liens, ni que ceux-ci échappent à la bonitude a priori de nos volontés « spontanées » et autres objectivations… D’où l’attitude confuse de bien des options politiques, révolutionnaires en tête, prêtes à « s’intéresser » aux daubes les plus réaques en matière d’accession à ce pouvoir aussi fatalisé et appétent que maudit, jusques aux « libertaires » qui finalement ne voient guère le monde que comme celui de Hobbes et se Stirner, une vaste gabegie de monades toutes investies de souveraineté concurrente…

Nous plaçons avec avidité la « solution », fut-elle négative, et qui est déjà en elle-même un choix méthodologique biaisé, dans un autre nécessaire et relativement absolu – ainsi des pensées qui pendant des décennies ont spéculé sur l’anéantissement nucléaire, et des fois même encore, pour en fin de compte ne surtout pas penser, ni voir l’anéantissement progressif à l’œuvre, hiérarchisé, porté par l’économie et son sujet social, donc toujours encore à venir, irréalisé et finalement irréel, douteux pour qui est (encore) là. La fascination pour un autre absolu aide à éviter toute recherche, projette toute problématique sur l’autre.

La focalisation sur l’état est en soi un problème méthodologique et un piège logique de base. Si nous ne pouvons évidemment négliger son omniprésence brutale, il nous faut arriver à le replacer dans l’omniprésence encore plus totale des formes sociales et donc, aussi, nous dedans comme sujet reproducteur de celles-ci et de celui-là. Il y a une convergence « autour de l’état » supposé dispensateur autonome des bien et des maux, qui va des citoyennistes aux révolotes, et qui correspond systémiquement à un mal à l’aise, et le mot est faible, vis-à-vis de confronter de manière critique, ce qui se passe en termes de rapports sociaux, surtout si ceux-ci déterminent les identités, défroque interchangeable de la propriété/valorisation, elle par contre incontestée, au mieux disputée.

On ne peut pas changer « les choses », c'est-à-dire une ordonnance de ce qui se passe, sans les prendre dans leur ensemble pour intégralement effectives, réelles, et en même temps, intégralement contestables et vivisectables – ce qui implique aussi évidemment d’en proposer des lectures. On ne s’en sortira pas en en effaçant une partie pour tenter d’en mettre le contenu et les conséquences sur le compte d’autre, et encore moins d’un « autre » dualiste hétéronome bien pratique qui se présenterait comme jamais nous, jamais le sujet, jamais le rapport social comme origine logique. Bref, un diable.

 

D’autre part nous nous retrouvons coincées dans la tentative de réappropriation de la force ; et par le rapport qui comme par hasard se retrouve toujours défavorable, et derrière par la logique même qui finalement entraîne et reproduit ce rapport. Renverser, inverser le pouvoir, veut sans doute dire aussi et premièrement revoir toute sa « chaîne » ; ce qui ne veut pas non plus dire nous couler dans les béates illusions pacifistes, lesquelles ne font que recouvrir une manière particulièrement torve de maintenir les valeurs et les rapports en vigueur. Ni pacifisme qui élude, ni virilisme réappropriateur en l’état. Nous sommes engluées, dans une structure de pensée indécrottablement de droite, même quand elle se vit à « gauche », ou libérationniste, ou encore plus libertaire, fascinée par la détention du pouvoir et une certaine idée de concentration et de représentation de la souveraineté populaire ou individuelle, notion qui promeut la subjectivité libérale, et s’oppose à une approche de nous-mêmes, fonctions sociales, en termes de critique et de vivisection du sujet. Bref, projette les espoirs sur une tête plutôt que sur une cuisine collective et collectiviste, jusques dans et à partir de son principe. Quelque part, une espèce de bonapartisme systémique s’est disséminé dans les options qui se disputent ce qu’elles pensent être la maîtrise, subjectivée et volontariste, des « choses », lesquelles ne nous habiteraient pas tant que ça… À voir…

 

Des collègues ont parlé à l’envi dernière du « vieux monde ». Mais ce « vieux » monde, là encore objectivé et mis à distance, en réalité ce sont nos objectifs idéaux, intériorisés, au nom desquels nous prétendons tangenter ce que nous déclarons hétéronome ; bref, c’est « nous », dans notre convergence concurrentielle encore une fois. Mais évidemment un « nous » aussi mensonger que l’état « autonome », ou la société comme prétendue unité. Un nous qui n’est que la projection des objectifs sociaux qui évaluent, trient, exterminent hiérarchiquement.

 

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14 janvier 2018 7 14 /01 /janvier /2018 15:46

 

Finalement, le « prix libre », l’autogestion « ouverte à toutes » et leurs multiples applications, chez nous, ont exactement la même fonction que la charité et autres initiatives morales, empathiques, palliatives dans la grande méchante société : faire en sorte que les pauvres financent les pauvres, et même un peu les bien moins pauvres au passage, il n'y a pas de petit bénéfice ; ouvrir des chantiers de substitution dans les secteurs où qui peut n'a pas envie de vraiment investir ; enfin surtout invisibiliser les inégalités, les rapports sociaux de richesse et d’origine de classe dans nos milieux où, c’est bien connu, ça ne compte plus, comme en république on est toutes sœurs pareilles égales, c’est la grandeur d’âme, le coeur à l'ouvrage et l’affinité politique qui nous déterminent (mais évidemment moins quand il s’agit de trier qui aura place référente, qui aura accès à un « grand projet » - ha pasque là attention, c’est plus de la blague à dix euro, c’est du sérieux, sur lequel des vies sont fondées – et d’autres pas !). Il ferait beau voir que nous nous mettions à calculer des contrib’s en fonction des capacités effectives des gentes, de leurs arrières familiales, dynamiques à plus-values, etc., tiens… et encore plus à les redistribuer, à ouvrir participation sans égard à ce qu’on peut attendre de valorisation de la part de celles qui reçoivent et prennent part… Hein, quelque part, l’équité rentière, propriétaire et comptable, on n’a jamais inventé mieux… Et nos attirances, nos ressentis spontanés, dis moi qui, où, tu hantes, sont bien là pour les confirmer.

 

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7 janvier 2018 7 07 /01 /janvier /2018 17:16

 

 

Épatant comme c’est la panique, à translande, quand ce n’est pas carrément l’indignation, quand on se met à causer un peu posément de ce qui se passe, du non consensuel et des questions de fond, de ce dont nous venons et où nous allons peut-être dans le social, d’autre chose quoi que de l’application idéale des catéchismes – application évidemment toujours en berne, quoi qu’on pense par ailleurs de leurs contenus et implications. Ça ne nous est pas propre, tout ce qui se vit comme minorité professe une trouille bleue de tout examen de ses grandes affirmations (censées généralement gommer les « malentendus » auxquels nous aimons à ramener les rapports sociaux) ; tout doit se voir édit ficelé, positif, pédago, intemporel, universalisable, clos, rien ne saurait ouvrir sur la discussion, les options, ni paraître problématisable (devrais je dire méchamment « prise de tête » ?) ; c'est que ça nous semble dissolvant, alors même qu’au gré des forces centrifuges et isolantes de ce même social dans lequel nous rêvons intégration et reconnaissance, nous volons effectivement en éclats, les unes contres les autres, les unes contre elles-mêmes, mais chut, pas en parler, faire jolies et unies sur la photo (d’où des gentes disparaissent d’année en année, mortes ou éjectées, mais ça non plus, pas en causer, d’ailleurs le recrutement doit combler les vides, au pire on serre les rangs). Pourtant, vu l’état du « mouvement », son peu de représentativité, l’incrédulité pour tout dire qui habite la plupart des collègues devant ses prétentions et son paroli, on pourrait se dire que le silence ne sauve rien. Si ce n’est un sursis pour son organisation actuelle.  

 

Ce silence cachette notamment une de nos certitudes souffreteuses, toujours poussée en avant comme un bouclier pourtant sans aucune efficacité contre les coups : rien ne bouge, nous ne devenons rien, ne sommes rien devenues, et surtout ne deviendrons rien. Ni situables ni explicables. Nous ne ferions que dévoiler, manifester un toujours déjà été dont nous avons de toute façon le plan, les limites, les aboutissants. Trans’ n’est jamais apparue, il ne s’est jamais rien passé dans le rapport social de sexuation, et il s’y en passera encore moins si c’est possible. Évidemment ça ne doit pas non plus évoluer, diverger, se fragmenter, partir à droite et à gauche. Manquerait plus que ça, que trans’ ne soit pas alpha et oméga, l’origine et le bout, que quoi que ce soit d’autre et de nouveau puisse en issir ! Anathème. Tousses ensemble, dans la même signification sociale. Et conséquemment dans la reproduction scrupuleuse. Si c'est pas là aussi de la panique de genre, un refus de confronter ce que à qui sert le genre, ce qu'iel manifeste et reproduit socialement, je suis diaconesse.

 

Plus les choses bougent, glissent, se re et se dépositionnent, moins donc il faut les prendre en compte. Ce qui se passe doit tenir dans la boîte de sardines d’où on doit aboutir, qui est finalement le paradis cis’, sous ses diverses formes et espèces. Identité et approche, pensée, doivent se confondre. Distance zéro, voilà le salut. Il ferait beau voir qu’on puisse douter par exemple de la magie volontariste non binaire et se payer le luxe insolent de ne prospectivement pas adhérer au binaire comme devoir être plein de félicité. Nan mais. Autant dire qu’il pourrait paraître envisageable, appétent de bouleverser les buts convergents qui doivent orienter toutes les êtres sociales normalement constituées, de se poser la question si le genre n’est pas simplement une fonction de l’ordre relationnel et valorisateur, et autres divagations incroyablement dangereuses au moment même où nous faisons patte de velours, où nous nous présentons comme inoffensives, où nous essayons de démontrer qu’il n’y a pas de contradictions dans le rapport social et citoyen, que ce qui est bon pour nous l’est pour toutes, d’ores et déjà, en l’état de l’économie politique, et réciproquement. Bref encore une fois qu’y a pas de problèmes, qu’y a que des malentendus. Les cisses s’en fichent, rigolent de notre bonne volonté désarmée et sans biscuit, ne nous en écrabouillent pas moins, mais bon, comme ce que nous voulons est finalement ce qu’elles veulent, pas moyen, y nous faut trouver de quoi entrer dedans. Ou mourir. There is no alternative. Si on se met à ratiociner, patatras, tout le protocole est par terre, et où cela nous mènera-t il ? Frisson général.

 

Il y a décidément quelque chose qui monte chez nous, matière dense et étouffante, et qui produit, à mesure qu’elle s’approche de nos naseaux, de la bêtise. La bêtise telle que je l’entends n’a bien évidemment rien à voir avec des histoires de capacité ou d’intelligence ; nous en regorgeons et elles sont dramatiquement inutilisées, là encore par peur, peur les unes des autres, peur de (se) déranger. Non, la bêtise est une fonction sociale (parmi bien d’autres), conservatrice et fixiste. Une manière d’essayer de se fondre dans un « état des choses » dont on espère finalement qu’il va durer, avec les avantages et ses inconvénients. Une caméléonité aussi peu disserte que possible. Nos cerbères, nos universitaires, nos cadres quoi, sont les premières à avoir peur de leur ombre, et de ce qui pourrait leur échapper. Sauf que c'est tout à fait illusoire au demeurant en ce qui concerne la plupart d'entre nous, perpendiculaires à l'ordinaire. Et que cet état de choses, bien à rebours de notre craintive croyance en une rationalité inclusiviste, a toutes les chances de réclamer nos peaux et de les obtenir.

 

Partout, dans tous les cas de figure où l’on veut maintenir des certitudes fixes, arrêtées, univoques, masquer leurs inévitables évolutions et contradictions, il en résulte la peur et la panique, pasque bien évidemment ça bouge quand même, et bien plus même qu’on ne l’imagine, et jamais dans les sens prévus, désirés, historicisés. Bref, la panique, elle est chez nous, tout autant que chez les cis’, mais elle y fait des dégâts incommensurablement plus graves, car c’est que nous, nous n’en avons pas les moyens ; on a les moyens de se payer une panique et même de l'instrumentaliser quand est fortes, hégémoniques, qu’on répercute les frais sur les plus faibles. Nous on peut pas, alors nous nous attaquons, nous soupçonnons, nous réprimons, nous effrayons nous-mêmes – d’où notre tendance à tout moraliser. Et les conséquences passablement violentes en interne. Nous semblons même bien moins craindre pour notre équilibre celles ci, les injures, les opinions raccourcies, que l'apport d'arguments et de problématiques, à commencer de la part des concernées. Très "catholique tridentin" comme comportement : les jurons témoignent d'une saine, bonhomme orthodoxie, trois pater, deux ave et va en paix ma fille ; tandis que la tendance à discuter dogmatique doit mener au bûcher. Comme ça si nous coulons ce sera droit dans nos bottes et pavillon haut. C'est un peu d'ailleurs ce qui pourrait nous arriver.

 

Quelque part, oui, pourquoi, dans un tel contexte, ne pas faire la tortue collective ? Tout à fait okay, mais alors faisons là, matériellement, donnons nous en les moyens ; ne nous imaginons pas qu’une carapace de dits et d’invocations, cimentés de silences opportuns, va nous protéger en quoi que ce soit ! On pourra même conciliabuler et controverser en séparation. Ou pas. Mais notre bouche cousue, boule de gomme et communication de plus en plus sommaire et je dirais carrément foireuse ne sauvera aucune d’entre nous, je dirais même au contraire, selon la bonne vieille règle imposée qui entraîne l’autodestruction des minorités par elles-mêmes, dans leur passion à s’approprier les formes et fonctionnements convergentes et dominantes qui déterminent cette destruction.

 

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27 décembre 2017 3 27 /12 /décembre /2017 14:42

 

Dans la famille : les antiphrases qui entendent nous brosser dans le sens du poil, mais en fin de compte nous foutent encore plus dedans s'il était possible, faute de réalité disponible, de moyens pour les rendre effectives ; antiphrases qui servent en plus, il faut bien le dire, à la pacification interne à translande, au gommage des rapports sociaux en interne, du pouvoir des uns et des unes relativement aux autres, en renvoyant tout aux deux pôles bien lointains de la grande méchante normalité cisse et de nos subjectivités supposées uniques et irréductibles. Ainsi de ces mantra de noël à l’usage de celles de qui c’est la fête tous les jours, youpi ! Du genre qui affirment que, ne vous faites pas de mouron, vous êtes par exemple seule, pauvre, méprisée, haïe et coursée dans la rue (ce qui peut correspondre à plusieurs situations sociales d'ailleurs), mais rengorgez vous (intérieurement, après vous être bien planquée), pasque figurez vous, votre valeur, votre être éthéré et transcendant quoi, pas votre piteuse défroque effective qui n'est bien entendu qu'illusion de ce monde,  n'est pas définie par ce qu'on vous dit, ni par la façon dont on vous traite. Awais. Et par quoi alors ? Elle a son siège où la banque qui garantit cette valeur inoxydable et entièrement basée sur notre subjectivité, elle-même un peu à coups de pieds dans le derrière tout de même ? Au ciel ? On sait très bien d’expé, « ce qu’on vaut » quand on est une nana transse ordinaire, sensiblement nib’ ou moins quelque chose. Et que ce qu’on vaut, dans une société de valorisation, découle précisément de comment on y est traitée, de ce dont on y dispose. Enfin, en théorie comme en pratique, la notion même de valeur implique de pouvoir équivaloir ou être échangée, négociée. Sans quoi y a pas. Si personne n'en veut ou ne la prend en compte c'est zéro. Cela se mord la queue, si on parle de "valeur", on est obligée de considérer le rapport, sans quoi la notion même de valeur, à laquelle donc notre considération de nous-mêmes devrait être attachée, s'évapore. D'une part donc ce n'est pas vrai, d'autre part il y a un problème logique.

Faut arrêter, la seule vie est celle ci, matérielle et sociale. Ici et maintenant. Nous n’existons que socialement, les unes par les autres ; le seul rapport à soi est rapidement misérable et schizophrénique ; à moins d’être riche et encore. Il n'y a pas de remède intrinsèque, existentiel ou transcendantal au mépris, à la violence, à l'isolement et à la pauvreté. Les seuls remèdes y sont la considération égalitaire et les moyens de vivre. Et dans les faits ça nous est majoritairement refusé, ce sur les schémas mêmes qui déterminent ces idéaux sociaux et leur répartition, donc c'est gagné à aucun point de vue. Le principe même de la valeur sociale introduit l’évaluation, les critères à remplir, l’inégalité – avec la conditionnalité d’être valorisées par les autres (on ne peut pas « se » valoriser sans apport extérieur, c’est de la blague qui ne tient pas plus qu’une pyramide de Ponzi et même bien moins). Se grimper les unes sur les autres pour satisfaire à ce fonctionnement met la plupart de nous au fossé et interdit toute communauté. Ainsi va l’économie en général, matérielle ou relationnelle.  

Effectivement, le minimum serait donc d'abandonner l'idéologie de la réussite et de l'intégration individuelles pour nous organiser collectivement et communautairement. Mais il faut arrêter avec les berlues psychologisantes et "méthode coué", qui nous trouvent aux petits matins pendues ou noyées d'être tombées la tête la première dans leur vide effectif et happées par le mensonge social qui y gîte, lequel, il faut toujours le rappeler, est terriblement agissant entre nous mêmes par les inégalités et le déni de celles ci dans la brume sororitaire-qui coûte pas cher ! Et qui est si souvent libéralement distribuée aux loquedues par les cadres du mouvement qui n’ont pour leur pomme guère besoin ni déficit de valorisation. Autre condition : une auto organisation aussi horizontale que possible.

Une des conséquences de notre fascination pour l’intégration et la représentation est cet usage un peu désespéré mais obligé de la très fantomatique légitimation existentielle, elle-même basée en réalité sur l’idéal du sujet propriétaire, père de famille toussa toussa, la préhistoire du capitalisme, avec ses petites indépendantes égales et pouvant se réclamer de la « loi naturelle » à la Hobbes. Sauf que la réalité des rapports sociaux ça n’a jamais été ça pour une grande partie des habitantes de cette planète ! Dont nozigues. Mais c’est sûr que si on abandonne la gonflette autoréalisatrice, on pourrait bien aussi abandonner notre délégation passive ou active aux structures de représentations, identistes, associatives, et ça mettrait quelques collègues au chômedu. Bon, l’obstacle, bien évidemment n’est pas là, mais dans notre faiblesse collective et dans notre peu d’envie de réviser nos objectifs de comment vivre.

Mais il faut arrêter, nous ne valons rien par nous-mêmes, nous ne valons que par ce qui de nous est échangeable socialement et économiquement, fait envie à d’autres qui pour leur plus grand nombre n’éprouvent que dégoût et mépris à notre égard. À part pour celles qui ont de fermes compétences et de très bon arguments de vente, comme on dit, ce qui pour autant ne les protège pas forcément du déclassement et de la violence sociale, laquelle a tendance à ne pas suivre un strict calcul monétaire mais à se fonder sur une approche légitimitaire (bref on peut tuer une transse riche ou bien cisintégrée aussi, même si ça arrive moins souvent pasqu’elle vit dans un environnement statistiquement plus sécure), hé ben nous sommes comme on dit exposées. Exposées et abandonnées à la fois, ni fromage ni dessert, c’est le menu des stigmatisées, contradictoire en apparence mais qui se retrouve dans les convergences de qui vaut, précisément, quelque chose au point de vue social…et pas….

Nous sommes seules je pense à pouvoir tenter d’y remédier, mais encore une fois à la jouer bulles de savon et méthode coué individualiste nous y passerons presque toutes. C’est dans le très banal et proche matériel qu’il nous faut jouer.

En tous cas je pense qu’il faut arrêter avec le boniment, d’essayer de nous vendre à nous-mêmes, pasqu’on reste dans la plupart des cas invendables à d’autres, de vendre à nous-mêmes notre honte, notre misère, notre isolement, pour en constituer je ne sais quel fond d’investissement profitable à la représentation transse.

Ce ne sont pas les envolées lyriques sur comment les choses devraient être si l’ordre des choses n’était pas contradictoire en soi qui nous manquent, c’est des réflexions sur comment nous dépatouiller dans les rapports sociaux, et potentiellement les changer – mais vivantes ! On est contre tout ce qui s’échafaudera sur notre mort. Sacrifice zéro ! Or, nous assigner à un "comment on devrait être", à une valeur elle-même digne de l'au-delà dans ses prétentions vis à vis de ce que nous vivons, c'est encore plus nous condamner, nous inférioriser à nous-mêmes.

Les boniments que nous nous servons et laissons servir nous font bien plus de mal que de dévisager platement, froidement nos situations ; parce qu’ils sont comme des décorations de noël, de pieux mensonges indexés sur le mensonge citoyen, quand ce n'est pas carrément spiritualiste, d’une égalité de fait qui n’existe pas, et d’une autovalorisation qui n’existe pas plus, qui fait semblant de se compter sur une des ces monnaies sans valeur, inéchangeable, pour faire patienter les loquedues devant les portes du ciel, qui sont juste celles de la morgue. Ce fonctionnement par évitement nous met directement en danger, puisqu’il propose d’atteindre par soi-même (en se tirant par les cheveux, comme le baron de Münchhausen ?!) un niveau social et existentiel dont la très grande majorité d’entre nous n’a évidemment pas les moyens, surtout individuellement – conséquence : autoaccusation et morfonderie encore plus fortes, et isolement maintenu, parce que ce ne sont pas les veillées tupperware des assoces où chacune apporte ses lamentations puis est sympathiquement invitée à se les réemballer et à repartir avec, qui va aider en quoi que ce soit à prendre la mesure de nos positions et à nous organiser en fonction d’elles, sur la pauvreté et la stigmatisation qu’il ne nous sert de rien de nier ou de transfigurer ! La valorisation, la réalisation des exigences normées existentielles sont des fakes et des pièges pour finalement sans doute une majorité en nombre de gentes, et particulièrement chez nous ; pour vivre, il nous faut apprendre à nous reconnaître et à nous communautariser sans céder à ces injonctions à l’autarcie, à la réussite, au rembourrage, qui n’aboutissent qu’à détruire la plus grande partie d’entre nous par élimination autogérée, et empêchent précisément toute collectivisation. Nous matérialiser, nous désessentialiser, sur tous les points possibles, est une condition de vie.

 

Nous avons besoin de terre à terre pour arrêter de nous casser la figure. Chenilles, définitivement, grosses, moches et en pleine forme, pas papillons faméliques et conditionnelles que nous ne sommes ni ne serons jamais (où alors au prix de nos vies et surtout de celles de nos collègues, merci bien !). Encore une fois, jetons à la benne l’imagerie existentielle que nous nous sommes laissée fourguer, que nous avons collée sur le miroir, qui ne recouvre que de l’arnaque et que nous payons au prix fort, comme toutes les publicités. Nous n’avons pas être le terne produit aspergé d’exotique et de chatoyant qui affriole cisses, queer et transprétendantes à la cogestion. L’idéalisme à pas cher est en réalité d’un coût exorbitant, sur le vivant des plus faibles. À nous cependant de ne plus y mordre. D'arrêter aussi de nous proposer ces expédients impraticables et par là dangereux comme si c'étaient des pastilles pour la toux.

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17 décembre 2017 7 17 /12 /décembre /2017 12:35

 

 

Ce texte mécontent a été écrit pour être affiché il y a déjà quelques années, au moment où j’ai commencé, un bon quart de siècle après avoir commencé à tenter d’intégrer militantlande et de suivre ses métamorphoses successives, à me rendre compte de l’importance décisive des inégalités de richesse, d’origine familiale en termes d’accumulation et de classe dans l’ordonnation interne à nos milieux, de comment elles les structurent, de ce que recouvrent à ce sujet les « affinités » moral-politiques, et du déni consensuel qui y occulte cet aspect des rapports sociaux. À l’heure où la guerre anti pauvres devient explicite dans la grande méchante société, il est nécessaire de dire et redire que les milieux qui prétendent la combattre n’ont à peu près jamais, et je dirais à présent moins que jamais, rompu avec la fascination pour la valorisation, la capacité et l’empouvoirement consécutif, leur traduction en « compétences » et en « attirance », la continuation de l’ordre hiérarchique de qui a, qui peut, et pas, bref suivent sensiblement la convergence générale éliminatoire en faisant (mal) semblant de ne pas. Depuis j’ai commencé un texte un peu plus fouillé sur la question, mais sur lequel je rame, et qui paraîtra donc dans un avenir pas encore très net. Pour ça que j’exhume des « pages » celui-ci, encore un peu sommaire, comme amuse gueule et pour faire patienter.

 

 

« On ne devient pas loquedue… »

 

 

C’est un secret de polichinelle, lequel cependant demande toujours à être éventé, que nos idées, efforts et dispositions visant à « changer les choses » au nom d’idées et de référents supposés incontournables nous mène avec régularité à reproduire et renforcer, au contraire, les structures mêmes de ce que nous prétendions, avec plus ou moins de bonne foi et d’altruisme il est vrai, renverser. Par exemple la concentration et l’appropriation des richesses et autres moyens sociaux. C’est ainsi qu’un caractère majeur du milieu « meuf-gouines-trans », comme de bien d’autres milieux axés sur les politiques de l’identité, est sa reproduction assidue des objectifs et des hiérarchies de la société économique, relationniste et propriétaire que paraît-il il entend combattre ; ou bien est-ce la « dépasser » en la « réalisant » ? – ce qui peut évidemment vouloir dire la concurrencer avec succès, dans ce sens qu’il approuve bruyamment de convergence et d’intégration. Vieille histoire déjà que son appétence boulimique pour la réappropriation des éléments sociaux assignés masculins, la prise de pouvoir, la valorisation selon de bonnes vieilles échelles évidentes, anthropologiques, d’estimation et de pratiques, le plaisir, l’intensité, la profite de la vie, et autres belles choses forcément in-con-tour-nables et surtout qui ne sauraient, dit-on, receler dans leur logique interne, leur rôle social, les misères et oppressions dont nous nous plaignons Ben non, tout beau tout autre tout en sucre l’idéal spontanément reproduit, au feeling, avec sa convergence affinitaire. Tu parles. L’inégalité sociale et matérielle qui le structure, le compose, le régit, est une conséquence inévitable de cette convergence de volonté et d’appropriation, qui se révèle dans les faits foncièrement celle de la société majoritaire, au point que les bourdieuseries les plus schématiques y collent comme un tatouage. L’héritage et la cooptation y règnent sans partage. Ce n’est pas « culturel » ou « symbolique », c’est le reflet des richesses accumulées ; il faut arrêter de mettre hors de cause, à l’abri, la valeur d’échange, l’argent qui structure le social.

 

Ce milieu rassemble préféremment, fonction des lois de l’affinité sociale qui le régissent, des gentes qui viennent de familles un peu pétées de fric, avec patrimoine, classes moyennes sup’ quoi, professions libérales, enseignantes, fonctionnaires à échelon, celles qui ont encore pu accumuler. Cuiller dans la bouche et coussin sous les fesses pour la génération suivante. Inutile de trop longuement s’attarder sur le fait établi que les autres aspects de valeur – aise, attirance, compétences, boulots gratifiants, pépères et bien payés, quand elles daignent s’y adonner - s’agglutinent méthodiquement sur cette classe de personne. Aujourd’hui comme hier, c’est ça qui cimente les participantes de plein exercice. Bien sûr, il convient de prendre des distances, de vivre sobrement et un tantinet à l’arrache, on est rebelle ou on ne l’est pas ; ce qui d’ailleurs est d’autant plus méritoire et commode qu’on sait qu’on aura ce dont on a envie ou besoin si nécessaire, en cas de « grand projet » par exemple, ou de retraite dans un prieuré affinitaire. Le pénitentiel moral, l’exotisation et la pseudo-précarité de rigueur, d’ailleurs, sont une spécialité de la classe moyenne sup’. L’appel à la perfection hautaine par l’action et l’attitude, mais pas trop par la réflexion, est un vieux domaine de surplombantes qui s’ennuient et se flagellent pour se valoriser, tout en conservant leur entre-soi et leurs escarcelles – ce qui est n’est pas nouveau historiquement, autrefois on entrait au couvent, on se soumettait à règle – mais ô miracle, les inégalités de richesse et de classe étaient déjà soigneusement conservées même dans la macération. Il faut se sentir, se savoir des airbags pour se priver démonstrativement, prendre quelques risques, déjanter raisonnablement. On se la joue déclasse, reniée, morte sociale, mais les arrière-plans sont toujours là à la rescousse. Enfin, le « destin social » de ces personnes les fait toujours finir bien, respectées, gestionnaires de quelque chose, jamais en faillite ; sauf anicroche d’autant plus regrettable qu’elle n’était pas prévue dans le logiciel. Mais même dans ce cas elles sont alors comme on dit entourées. À l’abri des effets destructeurs ce qu’une certaine langue symétrisante, neutraliste, appelle les « accidents de la vie », lesquels s’acharnent curieusement sur celles qui ont le tort insigne de ne pas rassembler tous ces atouts que paraît-il nous devrions (mais discrètement) partager…

Ce genre de milieu ne peut évidemment pas constituer de nouveaux modes de collectif, malgré ce qui s’y déclare. Il se borne à mettre en réseau des monades bien lancées dans la vie, façonnées autant que fascinées par le pouvoir, l’appropriation et la satisfaction. D’ailleurs, tous ses média, ateliers, catéchismes le répètent : chez nous il n’y a pas de rapports sociaux (ou si peu…), il n’y a que des conflits. De la négociation. Des arrangements. Entre gentes pleines de réserves matérielles et sociales, de pouvoirs et de compétences ; ou même plutôt à l’origine de ces forces, ferait beau voir que nos bonnes volontés soient déterminées par des si banales comptabilités, roooh…. Toute ressemblance etc etc… Ce fonctionnement consensuel basé sur la reconnaissance réciproque de valeur et de possession est protégé par une frontière peu visible, coussinesque, aussi implacable qu’épaisse et molle, pas assumée mais rigoureusement agie, et incroyablement efficace parce qu’on s’y envase sans arriver à bien la percevoir.

 

De l’autre côté, au revers, en dessous disons le, il y a les loquedues. L’autre face, inévitable autant qu’embêtante, de cette sympathique idylle libérale subversive. Les loquedues proviennent de la basse cour, et l’ont bien expérimenté dès leur enfance, puis dans les différents secteurs sociaux. La basse cour est, c’est rien de le dire, vaste et très « diverse ». Il n’y a pas plus d’unité des loquedues, en termes de rapports sociaux et de ce à quoi et à qui ils aboutissent, que de « peuple ». C’est aussi ce qui fait la grande impuissance des loquedues, qui n’ont en commun que de ne pas valoir grand’chose sur les peu variés marchés (propriété, relation…) en vigueur, face à des rejetonnes de classe moyenne sup’ qui forment un bloc social incroyablement homogène – écoutez ces amies raconter leur life, au bout de trois vous avez en gros de quoi extrapoler pour des centaines. Les loquedues sont celles auxquelles l’essentiel manque, et qui ne manquent à personne d’essentielle. D’une certain manière, les loquedues arrivent plus ou moins au même « endroit » sur l’échelle de valorisation/intégration, avec quelques variations (souvent dues à une semi-cooptation provisoire de la part des bourges), mais elles viennent de situations tellement différentes et souvent opposées qu’il leur est impossible de se rapprocher les unes des autres. C’est là qu’on voit que la convergence, c’est aussi un idéal, un truc, un truquage de riches et d’appréciées.

Les loquedues voient une fenêtre allumée et entendent des slogans alléchants. Et, il faut bien le dire, quelque part, valorisants. Le piège parfait, on va vous permettre d’intégrer, et par un biais chatoyant ! Comme le principe social général est la valorisation, eh bien elles accourent, volètent même, en trébuchant, vers meuf-gouine-translande. Alors à la fois, èmgétélande n’a pas forcément besoin de cet « apport », ça fait baisser le niveau, il faudrait envisager de collectiviser égalitairement, ça va pas la tête. Ça c’est pour les pancartes. Mais en même temps il y a justement cette prétention politique à servir le monde (warf warf), et surtout il y a la conscience sourde d’un gain relatif tout de même : on va pouvoir utiliser les loquedues.

 

Le rapport social qui se concrétise et se concentre à èmgétélande, à côté de la production de valeur sociale « pure » sous diverses formes, c’est le mépris, l’utilisation, en un mot comme en cent l’abus envers celles qui sont en dessous. On leur prend et on les jette, après leur avoir bien fait sentir en prime leur profonde indignité, leur insuffisance crasse. On les utilise avec circonspection pour ce qu’on pourrait appeler (et qui le sont quelquefois au sens strict) les tâches ménagères, la figuration et le bouclier humain, quand ce ne sont pas les sacrifices purs et simples. D’aucunes qui se la jouent pseudo-précaires j’ai renié ma famille (laquelle est fidèlement de retour intacte au premier besoin sérieux) leur pompent leur vie et même leurs éventuels biens. On n’en finirait pas de lister et de détailler l’inventivité de nos amies et supérieures dans la violence, l’humiliation, le chantage. Ça coule d’elles, personnes ou groupes, comme de source. Et ça se présente comme de la considération… Qui aime bien maltraite avec entrain, et extorque grossièrement le consentement « spontané ». L’emprise, avec son inversion apparente d'initiative où les faibles se dévouent aux fortes, aux détentrices de légitimité, sans que celles ci aient même à le demander, the vrai pouvoir, est la forme spécifique du rapport inégalitaire dans un milieu qui se pose en « dépassement », qui par ailleurs réduit tout social a un mélange de subjectif et de moral, ce qui in fine donne encore plus de pouvoir à celles qui incarnent la référence sociale et économique, sans le dire un instant et même en affirmant hautement le contraire. L’emprise est constituée par une cuisine à la fois savante et exotique d’appropriation, de mise en dépendance, de règne par la peur (on sait ce qui vous arrive dès qu’on déplaît), d’humiliation à la fois crue et niée. Elles abusent enfin en se substituant aux loquedues, en prenant leur place et leur voix, dans la foire à l'identité et à la légitimation qui incite à faire le plein de valeur aussi par ce biais. Elles ont résolu leur souci de culpabilité par l’alternative entre fétichiser, pour mieux utiliser, et exterminer. À èmgétélande, les bourges abusent systématiquement des loquedues, et bien évidemment les éliminent avec régularité. Turn over ! La longévité, chez elles, suppose pour nous une docilité qui confine à l’inexistence, au pompage à fond, une performance quoi. Joue enfin la bonne vieille surestime automate que l’on nourrit pour qui nous surplombe et encore plus nous maltraite ; pas de repro du tout du rapport social et de richesse, j’vous dis… La violence sociale surplombante dans le milieu est intégrée, idéologique et collective, pas pathologique et individuelle. Elle est conséquence des idéaux qui le structurent, le motivent, et de la hiérarchie sociale qu’ils relaient et confortent.

 

Oui, c’est binaire. Les loquedues et les aisées. Mais le social valorisateur est binaire. Tu as-tu n’as pas, tu portes du valorisé tu ne le portes pas. Que les groupes sociaux ici schématisés, affinitaires cooptantes riches et loquedues en tous genres, soient, surtout le second il faut bien le dire, morcelés, parcourus de contradictions, d’oppositions, de concurrences, ne change rien à la géométrie, pourrait-on dire, du rapport, lequel en définitive nous fait « ce que nous sommes », dans le réel. On peut avoir pour but de se défaire de ce binaire, mais en tous cas ce ne sera pas possible en faisant semblant que nous le « dépasserions » par la volonté, ou qu’il n’existe pas – ce qui ramènerait à l’idée d’une réalité « transcendante » qui renverrait le monde social à une illusion ; sauf que cette prétendue illusion est la réalité de toute notre vie, et que nous en crevons.

Le fonctionnement, la structure d’èmgétélande, comme de bien d’autres secteurs, sont le point de rencontre de l’état du rapport social et de l’idéal moral valorisateur masculinoforme et aisé. Et la notion de solidarité, comme je l’ai aussi remarqué, y est celle de reconnaissance et d’abondement du niveau social – la solidarité suppose une égalité dans la possession, dans la supériorité, d’avoir/être quelque chose de consistant à négocier. La solidarité est un commerce comme un autre, une espèce de monnaie alternative qui n’a, comme toute monnaie, d’effectivité que si elle recouvre du cash ou du solide. La solidarité est un tamis pour éliminer les loquedues. La solidarité fait partie du même monde que la charité, comme la gratuité n’existe que par la valeur d’échange. Elles en sont à la fois l’autre visage, la déclinaison inférieure, mais aussi souvent le masque. La solidarité ne profite en réalité qu’à celles qui ont de quoi échanger derrière elle, dans les coffres de la méchante société majoritaire. On pourrait dire, c’est l’aboutissement et l’impasse (enfin ça dépend pour qui, ou plutôt il en est pour qui l’impasse est confortable) de toute une histoire, qui n’est qu’un secteur de l’histoire sociale et économique globale.

Il est évident que même si la haine est à l’ordre du jour, face au mépris et à la risée, on n’en finira pas avec « ça », ni même avec celles là, avec la reproduction de la chirurgie morale, des rétorsions ou des surenchères habituelles. Même si on n’a pas non plus à prendre de gants. Les empêcher de nuire, c’est arriver à remettre en cause et à briser tout le soubassement, l’idéal et le fonctionnement qui les soutiennent. Y a du taf et du pas simple, même si un avant de sabotage semble indiqué aussi.

 

Bien sûr, le principe d’utilisation et de hiérarchisation, comme partout ailleurs, entraîne un fonctionnement où un volet de loquedues (renouvelable, il y a du turn over dans l’air !) huile l’embrayage de l’abus, fait des fois le sale boulot, la publicité pour leurs amies, et prennent leur défense contre d’autres abusées qui se rebiffent. Mi par attirance véritable - qui ne serait charmée et convaincue par ce qui incarne si bien la présence à soi dans ce monde idéal, bref le pouvoir ; mi par crainte sourde ou consciente de ce que signifie être rayée des listes, sous traitée à la violence sociales brute. C’est le vieux refrain des supplétives, subalternes et autres domestiques, qui demande d’ailleurs aussi tout une élucidation encore à faire. Il y a ainsi un volet permanent de loquedues commerciales politiques auxiliaires zélées, qui exposent leur rognons et leur monnaie pour protéger, rembourrer la place de leurs supérieures. C’est le méli-mélo habituel de la survie des minoritaires, isolées les unes des autres et mises en concurrence par rapport à un idéal métasocial auquel il est si facile d’adhérer, contre ses égales toujours soupçonnées parce que méprisées, et qui promet en outre fallacieusement, ou chèrement, une « meilleure qualité de vie ». La sororité automatique des inférieures est une fable pour dessins animés moralistes et mensongers. C’est exactement le contraire qui se passe, l’utilisation disciplinaire et sadique des unes contre les autres. Il y a ainsi tout un volet de loquedues qui reprennent à pleine bouche le slogan de la solidarité, mais qui n’ont d’autre activité que de déférer aux exigences de leurs patronnes bourges, de relayer leur intérêt déclaré « commun », de surveiller et de réprimer la cheptelle inférieure, de trahir soigneusement au besoin leurs « sœurs » pour entretenir leur matricule (la sororité est vraiment, avec l’amitié et la solidarité, une des notions clés de l’hypocrisie et de l’arnaque sociale contemporaine, partout où elles se nichent !). Accusées, accusatrices, mais toujours illégitimes, destabilisées, mises en danger dans leur existence même pour les garder à la botte.

 

Tout ça reste en partie une définition morale, et ça tombe donc dans l’approche même qu’il faudrait briser, mais zut, nous y sommes et donc il faut aussi user de ce qui y a cours : èmgétélande est un milieu constitué de et régi par une majorité de crevures qui savent très bien, et apprennent vite quand elles sont cooptées, ce qu’il en est, comment ça marche, (ce) qui compte et pourquoi. N’hésitent même quelquefois pas à le dire cash à leurs victimes les plus éveillées. Un peu de cynisme met du lubrifiant dans les rouages. Èmgétélande fonctionne sur l’accumulation sociale, financière, relationnelle ; l’affinitaire valorisateur, le mensonge et l’abus qu’il permet en trompant les loquedues de tout acabit. Par ailleurs, c’est délibérément et en toute conscience, selon l’habitus social qui fait que si d’une part on intègre sa position et son action comme nécessaires, on les pratique en les sachant très bien. On sait ce qu’on fait. Et d’autant plus que l’idéologie utilitaire des « mains sales » et de « l’omelette » a un grand crédit parmi les qui prétendent à une certaine classe. En clair, pas de scrupules. Donc, oui, il faut assumer, que ce soit même positivement (et il y en aura pour !) : crevures solidaires, bien ancrées dans leur détermination et leurs intérêts.

 

La politique n’est que la réalisation formelle de l’économie, à quoi que celle-ci s’applique. Camarades loquedues, sachez bien ce qui vous attend dans le canapé sororal d’èmgétélande. Il est bon de se déterminer en connaissance de cause, et il va sans doute falloir sérieusement faire de la pub là-dessus. Les milieux « subversifs » et contestataires sont un abattoir et un cimetière pour les plus pauvres et les plus faibles. Conclusion annexe : il nous faut sans doute des séparatismes de plus en plus précis pour vivre. Mais évidemment, comme on sait, plus on est en bas, moins on se rencontre et moins on s’accorde. La magie de la valorisation sociale nous vérole. Désensorcelons nous.

 

Le mépris engendre la haine. Celle-ci n’a pas vocation à rester platonique. Mais non plus à nous inciter une fois de plus à ce sacrifice, ce « dépassement », qu’on demande ô miracle toujours aux mêmes. Par ailleurs nous ne pouvons pas être nous selon les règles et dynamiques du nous de celles qui ont. Ne reste que l’inventivité, avec la rancune.

Les convergences et les mixités actuelles, qui s’agglutinent autour d’idéaux et d’injonction morales-politiques qui masquent, nient les rapports sociaux et les inégalités, non seulement augmentent la violence des plus fortes envers les plus faibles, mais encore empêchent celles-ci de se regrouper spécifiquement, au nom d’unités factices et orientées sur le maintien des intérêts des premières, placés en référence prétendument « pour toutes » (encore une fois, tu parles !). Il nous faut admettre les conséquences des rapports sociaux, et nous rendre compte qu’il est plus meurtrier pour nous de nous laisser tenter par les « inclusions » que de prendre nos partis et nous organiser en autant de minorités qu’il le faudra, hors de et contre les majorités, explicites ou implicites. Seules les conséquences sont à considérer. En effet, vu comment les choses sont en train de tourner économiquement et socialement, que nous soyions coincées, les plus pauvres, à nous organiser, par les issues de classe moyenne sup’ qui la jouent Fort Alamo et occupent tant au sens littéral que d’un point de vue moral ce qu’il y a actuellement de ressources collectives, y compris avec leurs prétextes condescendants de dames de charité, ça va vraiment pas faire. Certes il s’agira de ne pas faire comme elles, côté idéaux et orga, mais par ailleurs, selon comment la situation va se tendre en général, il faut considérer l’éventualité aussi de leur prendre ces ressources qu’elles se sont monopolisées. Et d’en créer d’autres si possible. Et de pas non plus alors nous laisser avoir par leurs éventuels chouignements ; qu’elles aillent emménager dans les pavillons spacieux de leurs renp’s, dans les apparts que ceux ci leurs offrent. Si nous les laissons reprendre pied dans ce possible nouveau collectif ou communautaire, il y a fort à parier que selon la règle hydraulique des puissances sociales elles s’y retrouveront vite à la surface, pellicule étouffante, y reprendront le pouvoir et finiront par nous en éjecter. Il faut penser à ça dès maintenant. Ou alors il faut qu’elles capitulent réellement, acceptent le partage selon les ressources réelles des gentes, bref admettent un nouveau fonctionnement social. Redistribuer ce qui a été monopolisé et quelquefois klepté suppose aussi ne pas essayer de reproduire les objectifs qui couvraient, légitimaient et rationalisaient ce fonctionnement.

 

Le format comme le contenu actuels d’èmgétélande ne semblent en effet pas réformables, ni donc son inclination assidue, sous les slogans chamarrés, à reproduire assez platement le rapport social, notamment de richesse et de socialisation. De ce point de vue, il serait bon de revoir les positions d’origine comme les objectifs, implicites ou explicites. En venir à un rapprochement matériel de ceux-ci, à l’élagage des grandes espérances qui supposent les arrières assurés, à un égalitarisme sourcilleux. Mais il va de soi que ce ne peut être le fait de celles qui y prévalent, lesquelles n’y ont pas le plus petit intérêt, la plus superficielle identification. Déjà, celles qui n’en sont ni n’y ont, pourrons nous y arriver ? Une sécession conséquente et efficace de loquedues est-elle imaginable ? Encore une fois, après avoir autant que possible cassé leur baraque publicitaire, saccagé leur room à tout faire et à tout infliger, retiré le soubassement tout de même bien pratique que nous constituions, il faudra en tout se défaire des idéaux, des destinations qui nous ont mises et maintenues où nous (en) sommes. Sans revenir d’un pas en arrière vers les limbes de la morale et de la justice. Ce n’est pas un mince pari et aucune garantie n’existe qu’il est réalisable. Nous ne sommes pas elles, nous ne pouvons être que contre elles, destinations et gentes ; mais aussi nous ne sommes, elles comme nous, que ce qui aboutit à nous, le rapport social. L’identité, la solidarité, l’affinité sont une sale blague de valorisées qui seules ont les moyens d’en user, et un leurre pour les loquedues qui espèrent bien vainement s’en sortir en photocopiant une monnaie existentielle sans en posséder les réserves sociales. Il faut faire voler en miettes ces objectifs et idéaux sociaux, ou se condamner à les reproduire, à les réimposer, à les resubir.

 

Noyeuse joëlle, hein !

 

 

 

 

 

 

 

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17 décembre 2017 7 17 /12 /décembre /2017 12:33

 

Le genre ne peut remédier au genre, ni le sujet au sujet. Il nous en faut casser la mécanique même, conséquemment et prioritairement en déboîter les objectifs, à quoi ça sert, les désanthropologiser, les jeter à bas pour ce qu’ils sont, des abstractions réelles, totales, à la logique éliminatoire et meurtrière. Ce sans en mourir, et pour ne pas en mourir. À cette fin les identifier et déterminer, nettement. Et sans en réserver un bout, sans se cantonner dans un dualisme renouvelé. Ce n’est pas fait. On n’en prend même pas le chemin.

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1 décembre 2017 5 01 /12 /décembre /2017 14:53

 

 

Épatant comment cislande médiatique et tutélaire a vite et bien compris les incroyables avantages stabilisateurs et normatifs de l’idéologie symétrisante « unité trans’ » ; et non moins épatant comme notre dynamique velcro propre y répond avec entrain ; un article glu glu bienveillant, repris avec enthousiasme comme trop pertinent par associativlande, sur les embûches et autres violences évite tout du long de parler de la distribution genrée de celles-ci, pourtant d’expé à peu près toutes concentrées sur les nanas – manière pour les invisibles de se récup’ sur elles de quoi négocier du rab’ ? ; un reportage people sur combien c’est dur d’être trans’ (sans e hein, « on est touTEs etc… »), première image un mec, blond, soft, raisonnablement normé et au passing très défendable. Bé oui, hein, quand on veut jouer la carte du compassionnel et de l'empathie, à quoi la personne cisse lambda, l’existence et la valeur incarnées quoi, aura-t'elle envie de, consentira-t’elle à s'identifier - puisque en définitive tout cela lui laisse, et donc continue de lui offrir sur nous, sur nos sorts, le pouvoir intact, celui de (se) reconnaître ? pas aux nanas transses avec la gueule de travers et l'illégitimité qui éclabousse ! Voilà c’est fait ! C'est comme avec hétérolande pour tous, on est rentrés à la maison, on n'en est même pas sortis, ni de la cave pour certaines, on applaudit bien fort ! Mais naaan, la recherche-appropriation de positivation ne va pas toujours dans le sens de la reproduction des rapports institués, les formes et objectifs sociaux ne nous déterminent et trient pas, c’est des mauvaises langues qui entretiennent la rumeur… Ne nous laissons pas désunir (gros lol de fin !), pas désorienter par de décourageantes question de fond. Tout baigne en bas dans la cave ? En avant pour de nouveaux épisodes.

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24 novembre 2017 5 24 /11 /novembre /2017 15:55

 

 

sur une de nos impasses favorites

 

 

Prétendre contester ou combattre appropriation et violences, sans mener une critique ravageuse de l’amour, du désir, du besoin, de la sexualité, de l’engendrement, de l’injonction à la valorisation par la relation sexuée et sexualisée en somme, c’est au minimum s’ôter tous les moyens d’y parvenir ou même de sortir grand’chose de pertinent à ce sujet, vu qu’on en a d’emblée retranché tout le systémique. L’amour, le relationnisme, la sexualité (et leurs avatars sont, à quelque échelle qu’on les prenne, des formes structurellement conservatrices, reproductrices, régressives. Arqueboutées sur la prétention d’un « besoin » anthropologisé et naturalisé qui couvre un « dû social », lui même grimé en « désir libérateur », ouf ! Sur la duplication infinie, identique, des hétéronormes et du rapport de pouvoir quoi, plus simplement et surtout honnêtement... Appropriatrices au premier chef. Utilitaires de la valorisation. Exterminatrices et meurtrières. Aux fruits on devrait pourtant connaître l’arbre – mais nous avons tellement envie de contes de fées, de « la réalité n’est pas la vérité », et autres mensonges spirituels et métaphysiques pour sauver le sujet idéal… Aucun rapport social égalitaire, émancipateur ou si l’on y tient respectueux, non appropriateur donc, ne peut s’appuyer dessus. Cette critique n’a pour autant rien à voir avec le monadisme et l’idéologie de « l’indépendance » autopropriétaire, bien au contraire ; le monde de cette idéologie est précisément celui que cogère l’idéologie affective, dialectiquement. L’une produit l’autre.

 

Nous ne sortirons pas je pense de l’état de fait sans le rompre par une approche résolument moniste : la souffrance, l’inquiétude, le souci, le qui-vive sont la conséquence infériorisante de l’affectif, de l’amour, de l’emprise et de l’appropriation donc. Ces formes paraissent non pas accidentelles, mais consubstantielles au rapport social de sexe – et réciproquement, elles en sont instituées comme ressenti incontournable de la socialité humaine. C’est ce devant quoi la camarade Dorlin dans son intéressant dernier bouquin recule au dernier moment, alors qu’elle y est presque. Le dualisme est en soi idéologie de maintien du pouvoir. Il n’y a pas de puissance hétéronome, de diable, qui expliquerait que « ça ne marche pas » ; ce qui ne marche pas, produit la violence, contient intégralement problématique et contradiction et contradiction, c’est le bien, l’auto-nome, dieu, le sujet ; c’est ici qu’il faut percer et désarmer. Ha mais pas touche, nous y tenons tellement, au risque et à la perte récurrente de nos peaux, à ce sujet.

Puisqu’avec grand’raison nous prétendons retrouver la critique marxienne, hé bien retrouvons là avec conséquence : critique du sujet. Certes ça ne facilite rien, ça ôte toute garantie de réussite. C’est certes sec, peu sexy, hein ? Mais vu comme on se rate sans ça, pourra pas être pire ; ne pas la mener présente toutes les « chances » de garantir, au contraire la reproduction sans fin et l’absence de toute échappée. Après, est-ce que nous en voulons, encore une fois ?

 

Pasque voilà… je dirai, supposerai, refusant comme à l’accoutumée de prendre mes petites camarades pour des imbéciles, qu’elles voient très bien en définitive où gîte le problème, que maintenir la zone aveugle, la référence impérative, c’est se foutre de sa propre gueule, et accessoirement de celle des autres, celles dont on pense pouvoir profiter quoi. C’est le prix de vouloir conserver la structure de ce monde et de son sujet (mais encore une fois on espère bien le faire payer par autrui). Pour en finir avec le premier, il faut d'abord en finir avec le second ; prétendre s'attaquer au premier au nom du second est une vieille, vaste et sale blague. Je n’entre évidemment pas dans la question du « conflit d’intérêts », plus pour d’aucunes, moins pour toutes. Tant il est vrai que le désir de fond est de "réaliser" la "vérité des choses", versus la « personne aliénée ». Lol ! Sauf que nous y sommes, de manière permanente, à ce que sont "les choses". Le dualisme métaphysique est une élusion et une échappatoire perpétuelle à la question sociale !

Toute sexualité, toute sexosocialité est structurée, motivée par le pouvoir et son exercice différentiel (avec le sous-produit plaisir qui en est issu), lequel en fait l'appétence ; elle est donc structurellement hérér@.

Toute « complémentarité », laquelle commence à l'affectif et à la reconnaissance par l'appropriation, agie ou subie, effectue illico le script intégral du rapport social de sexe, avec un assigné masculin fonctionnel. Il n'y a pas d'échappatoire sexuelle à ce rapport, il faut s'en débarrasser entier ou y consentir avec ses conséquences.

# les sexualités, c'est l'hétér@sexosocialité

 

De manière générale, l’idéologie acritique – et souvent apolitique – du choix, comme des « intérêts » non médiatés et replacés dans le contexte, mène avec régularité à la reproduction spontex des injonctions internes ou externes, et des rapports sociaux. Que ce soit à la mode libérale ou tradie. Si nous entendons en sortir (mais encore une fois est-ce vraiment le cas ?), une condition sera d’enrayer et de dérailler les processi reproductifs. De mettre en question, sérieusement, le sujet social, sa structure, ses objectifs, ce vers quoi il tend à converger – et les contradictions qui traversent ça.

 

Je ne parle même pas du récent et fuligineux « supernova project », dont l’objet est certes de la première pertinence, les violences et l’emprise relationnelle chez les « pas cishétér@ » ; sauf que entre l’approche résolument positiviste et déproblématisée de la relation en tant que telle dans notre social, et surtout un petit perçu de la liste des orga impétrantes à s’inscrire pour l’hexagonie dans ce projet, ben on sent que ça va rester un de nos cher vœux pieux ; au mieux (si on ose dire) une petite usine de plus à catéchismes lénifiants, positivants, qui éviteront soigneusement de mettre aussi peu que ce soit en question les « objectifs incontestés » ; il faudrait déjà que les parties prenantes se remettent en cause structurellement elles-mêmes, ce qu’on ne peut décemment pas attendre de gentes aussi pénétrées de leur indispensabilité et de ce qu’elle justifie, sans parler du monopole social et intellectuel que ça calque sur un nouveau prétexte. Sans parler enfin non plus de l’idéologie relationniste forcenée qui sous tend leur paroli. Et du refus d’examiner la possibilité que toute la « diversité » relationnelle et sexuelle soit indexée sur la structure fondamentale hétéra, reproduise ses polarisations et conditions élémentaires, mais bon je sais que c’est dur à avaler, et que nous préférons encaisser et subir que de revenir là-dessus... Soufrons, mourons, mais dans notre droit et dans notre idéal préservés quoi…

 

Enfin, quelque part, on aimerait bien que ce qui est quand même peut-être une intention de critique de fond des normes et injonctions sexualités, appropriation, affectif, relation, sorte du bois subjectiviste où elle se terre derrière les parapluies de l’asexualité ou de l’aromantisme. On peut se livrer à une critique radicale, antisexe, offensive de ces formes imposées et autogérées, pas seulement jouer l’objection de conscience individuelle, yes ! Question sociale versus ressenti personnel.

 

Pour une désappropriation révolutionnaire, une ouverture de l’accès aux biens, une fermeture de l’accès aux personnes, une remise en question fondamentale du rapport dualiste de propriété et du maintien à disposition qui le suit irrémédiablement. En finir dans le même mouvement avec la pénurie et la disponibilité, dont les dynamiques ont tout de même beaucoup à voir entre elles…

 

# dynamitons l’injonction et la perpétuelle néonormalité relationniste

 

# égalité → indistinction, déconditionnalisation, désappropriation

 

# pour des sociétés de l'in-différence, sans économieS, non valorisantes, non affectives et non sexuelles

 

 

 

*

 

 

Genre et sexualité sont réputées ne pas s’impliquer ni se recouvrir. Ce qui est sans doute vrai. C’est déjà plus complexe quand on parle de l’objet effectif de la sexualité qui est principalement la valorisation relationnelle, la sexosocialité – laquelle croise et recroise aussi la valorisation excessivement dissymétrique de telles ou telles caractéristiques genrées. Enfin, derrière nos catéchismes « autonomes », se maintient par le fait et obstinément une question que nous évitons d’aborder : à quoi sert le genre, que ce soit comme détermination, identité, rapport social, dans un monde qui semble (ne) l’avoir produit (que) pour ordonner son relationnisme foncier ?! Et sauf que donc, aussi peu cishétér@, aussi antisexe même que nous nous revendiquions, nous ne pouvons probablement pas à nous toutes seules déboîter le genre de cette fonction qui semble lui être conssubstantielle, bref que cette détermination existe d’abord pour ça. Et peut-être que pour ça. Suffit-il de déplacer les curseurs, de réaménager les éléments d'une forme d'existence sociale globalement incontestée pour ne plus nous situer dans le cadre qui la produit ? Bref, notre zone aveugle se situerait sur « quid du genre ? ». Peut-on faire du genre, de manière autonome, ce qu’on voudrait en faire (et en général ce que nous voulons en faire est assez banal et classique côté usage valorisateur et relationnel) ? Est-ce que l'identistement non cishétér@ est réellement si peu cishétér@ structurellement ? Est-ce que le genre peut ne pas être binaire et enpouvoiré ? Ou faut-il renoncer à penser pouvoir le neutraliser et l’utiliser ? Bien sûr, on me dira que ma suite de questions est rhétorique, que j’y ai déjà répondu ; hé bien non, ou pas entièrement, dans la mesure où si j’ai plus que des doutes sur ce que nous pourrions faire ou non du genre, j’en ai d’encore plus gros au sujet de si nous pouvons nous désengluer de tout ça, ou comment arriver à gérer ce qui nous constitue comme sujettes. Voilà ce que j’essaierai d’aborder, entre autres aspects de la critique de la sexualité, si jamais j’arrive à me m’atteler à un nouveau texte sur la question, « Pour une sociale antisexe ».

 

 

# À quoi sert le genre ?

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  • : transse et bie juskaux yeux ; vivisecte les économies politiques, premier, second marché ; acétone et antivitamine K - Le placard à Plume, la fem-garoue
  • : Un informel méthodique, exigeant, fidèle, pas plaintif, une sophistique non subjectiviste, où je ne me permets ni ne permets tout, où je me réserve de choisir gens et choses, où je privilégie le plaisir de connaître, c est là mon parti pris, rapport aux tristes cradocités qui peuplent le formel cheap, repaire des facilités, lesquelles en fin de compte coûtent bien plus. Je me vante un peu ? J espère bien. Déjà parce qu ainsi je me donne envie de mieux faire. Hé puis ho ! Z avez vu les fleurs et les couronnes que vous vous jetez, même l air faussement humble ? Faut dépercher ; quelqu'orgueil assumé vaut mieux qu une pleine bourse de roublardise attirante. Je danse avec le morcellement et la sape de l'économie, de la valorisation, de la fierté, de l'empouvoirement.
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